Publié le 26 juin 2019

ENVIRONNEMENT

"Au rythme actuel, la France a peu de chances de tenir ses engagements climatiques", selon le Haut Conseil pour le climat

La sentence est tombée : la France n’est pas sur la bonne voie pour lutter efficacement contre le changement climatique. C’est la conclusion sévère du premier rapport du Haut conseil pour le climat sur l’évaluation des politiques publiques remis en plein épisode caniculaire. L’instance a été mise en place en novembre dernier, pendant la crise des Gilets jaunes, par Emmanuel Macron. Le gouvernement a six mois pour répondre.

Le gouvernement apportera ses premières réponses lors du prochain Conseil de défense écologique début juillet.
@HF-Climat

"La France n’est pas sur une trajectoire d’émission de gaz à effet de serre compatible avec ses engagements internationaux. Les premiers efforts fournis sont réels, mais ils sont nettement insuffisants et n’ont pas produit les résultats attendus. Ils n’engagent pas les transformations socio-économiques profondes nécessaires pour aller vers la neutralité carbone", explique dès l’introduction Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat.  

L’instance a été mise en place par Emmanuel Macron en novembre dernier, en pleine crise des Gilets jaunes, afin de produire chaque année un "éclairage indépendant" sur la politique de la France en matière de lutte contre le changement climatique. Sans traîner, les onze experts qui la composent (scientifiques, ingénieurs, climatologues, économistes…) ont remis leur premier rapport (1) au Premier ministre Édouard Philippe mardi 25 juin. Un timing serré, puisque le document d'une cinquantaine de pages sort juste avant le prochain Conseil de défense écologique qui se tiendra début juillet et le lancement de la Convention citoyenne sur le climat cet été.  

Une stratégie à la périphérie des politiques publiques  

"Le rythme de cette transformation est actuellement insuffisant, car les politiques de transition, d’efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique. Ainsi, le 1er budget carbone fixé en 2015 et couvrant la période 2015-2018 a été dépassé, et la réduction réelle des émissions de GES, de 1,1 % par an en moyenne pour la période récente, est quasiment deux fois trop lente par rapport au rythme nécessaire pour la réalisation des objectifs", notent les experts. "Tant que la stratégie nationale bas-carbone restera à la périphérie des politiques publiques, les budgets carbone établis et la neutralité carbone ont peu de chances d’être atteints" concluent-ils.  

Les deux points noirs français sont les transports et les bâtiments, qui cumulent à eux deux plus de la moitié des émissions de C02 nationales. En cause, le retard du développement des véhicules électriques, l’absence de report modal de la voiture vers le rail, les transports en commun ou le vélo, des rénovations peu performantes, un retard dans l’élimination des chauffages les plus carbonés et des passoires énergétiques, au cœur des débats du projet de loi Energie-Climat.

Relancer la taxe carbone

Le Haut conseil recommande de graver dans la loi les budgets carbone, d’évaluer l’impact environnemental des politiques et mesures et de prendre en compte les objectifs de réductions d'émissions dans tous les investissements publics structurants. Il propose aussi de renforcer les instruments de politiques climatiques et de revoir en profondeur la taxe carbone, aujourd’hui gelée, pour garantir son appropriation sociale et son efficacité.

"Il faut que chaque grand projet soit compatible avec l'objectif neutralité carbone, que l'impact des lois soit évalué. Qui peut nous dire l'impact sur les émissions de la loi sur les mobilités (LOM), ou de la loi Egalim ? ", souligne Corinne Le Quéré.

 

Dans un communiqué mardi soir, le Premier ministre Édouard Philippe a répété que la lutte contre le changement climatique est "une priorité du gouvernement" tout en reconnaissant que l'action doit "être amplifiée au regard de l'urgence". Rappelant que la présidente du Haut conseil pour le climat sera auditionnée lors du prochain Conseil de défense écologique, il assure que le gouvernement "présentera à cette occasion les premières réponses et les suites qu'il compte donner aux recommandations du Haut conseil, dont certaines seront prises en compte dès l'examen parlementaire du projet de loi relatif à l'énergie et au climat".   

Concepcion Alvarez, @conce1

(1) Voir le rapport du Haut conseil pour le climat.


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

À quoi va servir le Haut conseil pour le climat ?

Emmanuel Macron a installé mardi le Haut conseil pour le climat. Composé d'experts, cette instance est chargée de produire chaque année un "éclairage indépendant" sur la politique de la France en matière de lutte contre le changement climatique.

[Infographie] La France n’est pas prête aux chocs climatiques, inévitables d’ici 2050

Un rapport sénatorial alerte sur le fait que la France n’est pas suffisamment préparée aux impacts du changement climatique qui vont être décuplés d’ici la moitié du siècle. Si les politiques se focalisent essentiellement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour éviter...

[Infographie] Comment la France compte atteindre la neutralité carbone en 2050 et rattraper son retard

Le projet de loi Energie-Climat discuté la semaine prochaine à l’Assemblée nationale consacre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Il s’agit de diviser par six les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, mais surtout d’arriver à un équilibre net entre les tonnes de CO2...

[Infographie] L'Affaire du siècle : où en est vraiment la France sur ses engagements climatiques ?

Émissions de CO2, neutralité carbone, énergies renouvelables, agroécologie, déploiement de véhicules bas-carbone : où en est la France en matière de transition écologique ? Selon les associations, le pays est très en retard et va manquer ses objectifs. Novethic fait le point.

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Antarctique Unsplash Cassie matias

La Terre est sur le point de franchir cinq points de bascule : une menace "sans précédent"

La Terre toujours plus dans le rouge. Sur 26 points de bascule – ou "tipping points" - identifiés, cinq sont à la limite d’être franchis, et trois autres pourraient l’être très prochainement si les températures continuent d’augmenter, avertit une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Une...

Fin des énergies fossiles Lobbies KARIM SAHIBAFP

2 456 lobbyistes fossiles à la COP28, une marée noire record

C'est le chiffre choc de la COP28. 2 456 lobbyistes fossiles - "au moins" - ont obtenu une accréditation pour participer à ce nouveau sommet pour le climat, qui se tient actuellement à Dubaï. Ce nombre dévoilé par une coalition d’ONGs, Kick Big Polluters Out, montre à quel point l’ombre des lobbies...

CO2 Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Niveau record d’émissions de CO2 dans le monde : les trois graphiques à retenir

Alors que la première semaine de la COP28 s’achève à Dubaï, la nouvelle édition du Global Carbon Project, publiée ce mardi 5 décembre, rappelle que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau record en 2023. En cause, la Chine et l’Inde, dont la consommation de charbon...

Baril petrole bourse risque prim91 1

COP28 et sport : les pays du Golfe, les rois du soft power

Entre la COP28 organisée aux Emirats arabes Unis ou la main-mise du Qatar et de l’Arabie Saoudite sur les grands évènements sportifs, le soft power des pays du Golfe s’étend, au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique.