Publié le 11 février 2021
ENVIRONNEMENT
[Édito] Projet de loi climat : quand la virulence du débat tue l’esprit de la Convention citoyenne
Cette loi climat ne vaut rien. Elle est creuse, vidée de sens et est un simple affichage environnemental du gouvernement. C’est ce message qui tourne en boucle alors que la loi issue de la convention citoyenne pour le climat a été présentée en Conseil des ministres et prend le chemin du Parlement. Une naissance difficile pour un texte, imparfait, mais loin d’être inutile.

@CC-BY DavidGrandmougin
La présentation, mercredi 10 février, du projet de loi "climat et résilience" en conseil des ministres marque le début d’une très longue séquence écologique. Elle nous conduira à l’élection présidentielle de 2022, en passant par le débat à l’Assemblée en mars, les élections régionales en juin ou encore le possible référendum sur la Constitution à la fin de l’année. Ce grand projet, qui devait nous emmener ensemble vers une nouvelle France, vire pourtant à la foire d’empoigne.
Le fait est que cette loi est la plus vaste jamais proposée en France sur ce sujet. Elle recouvre un nombre considérable de domaines avec des avancées sur l’artificialisation des sols, le crime d’écocide, les passoires thermiques, etc… Selon une étude du cabinet BCG, cette loi rapproche la France de l’objectif de -40 % d’émissions de CO2 en 2030, par rapport à 1990. Mais ce n’est pas assez. Le Conseil économique et social (CESE), interrogé sur la loi, juge que "les nombreuses mesures du projet de loi, sont en général pertinentes, mais restent néanmoins souvent limitées, différées, ou soumises à conditions".
L’écologie, ça suffit
Dans la bouche des ONG, cela se traduit par des cris d’alerte sur une fausse mobilisation du gouvernement. Tandis que Greenpeace parle de "Crash Climatique", Yannick Jadot, entré en campagne présidentielle, évoque "une loi de greenwashing aveugle face l’urgence climatique". Quant à Nicolas Hulot, dans sa sobriété habituelle, il juge que "ce n'est pas suffisant, il faut aller plus vite avec plus de moyens".
Cette colère des ONG était attendue. Mais le risque est qu’à force de dénoncer, l’effet soit délétère dans l’opinion publique… Non pas envers le gouvernement mais envers l’écologie elle-même. Dire que cette loi ne suffit pas est vrai. Dire que rien n’est bien dans cette loi est faux. Or c’est bien ce message qui parvient aujourd’hui aux citoyens. Double peine : en face, côté exécutif, on s’agace aussi. En privé, des conseillers de ministères, qui ont œuvré des heures sur ce texte de loi, se jugent injustement traités. Ils ressortent en grinçant des dents la phrase de Nicolas Sarkozy : "Ça commence à bien faire l’écologie".
C’est dans cette impasse que vont s’entamer trois semaines de débats au Parlement. Parlement lui-même chauffé à blanc car il a été sorti des débats antérieurs avec la création de cet ovni démocratique qu’a été la Convention citoyenne sur le climat. Et justement, on est loin de cette Convention. Créée suite aux manifestations de gilets jaunes, elle se voulait un lieu de réflexion apaisé et pluraliste sur l’avenir commun de notre pays. Elle est devenue malgré elle un objet politique, loin de son ambition originelle.
Ludovic Dupin @LudovicDupin