Publié le 10 février 2021
ENVIRONNEMENT
Loi Convention Climat : un texte qui fédère tout le monde… contre lui
Ce mercredi 10 février, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat doit être adopté en Conseil des ministres. C'est l'aboutissement d'un long processus démarré il y a plus d'un an, en réponse à la crise des Gilets jaunes. Les citoyens ont mis sur la table 149 propositions que le gouvernement assure avoir largement repris. Mais des ONG aux entreprises, les critiques fusent.

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Tous unis contre la loi climat ! Le texte issu de la Convention citoyenne pour le climat arrive en Conseil des ministres ce mercredi 10 février. C’est la dernière grande loi du quinquennat sur le sujet et elle promet d’intenses débats. Elle a en effet réussi l’exploit de fédérer tout le monde contre elle. Au centre des critiques, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, tient bon. "C’est une loi pivot, qui fait entrer l’écologie dans la vie quotidienne, qui va verdir notre modèle et notre société et jouer un rôle de catalyseur", assure-t-elle dans les colonnes du JDD.
Dans le même temps, son prédécesseur Nicolas Hulot, interviewé dans Le Monde, estime quant à lui que "sur tous les sujets, qu’il s’agisse de la rénovation des bâtiments, de la fin des véhicules polluants ou des aides d’Etat dont ont bénéficié les grandes entreprises pour se relever de la pandémie, c’est toujours le plus petit dénominateur commun qui est employé".
"Un abus de langage"
Dans son avis (1), publié fin janvier, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) juge lui aussi que le texte n'est pas à la hauteur des engagements pris par la France. Dire qu'il "s’inscrit" dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est "un abus de langage", conclut l'instance, qui déplore des mesures certes "pertinentes", mais souvent "limitées" et "différées". Avant lui, le Conseil national de la transition énergétique (CNTE) s’était inquiété "de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre (GES) induites par cette loi".
Le député ex-LREM Matthieu Orphelin a sorti sa calculette pour en faire la démonstration. Selon ses estimations, la loi, dans sa version actuelle, ne permettrait d’éviter "que" 13 millions de tonnes de CO2 par an (MtCO2), contre une réduction annuelle comprise entre 56 et 75 MtCO2/an, selon l’étude d’impact, et un objectif de 112 MtCO2/an à 2030. Il propose cinq mesures supplémentaires pour rendre la loi quatre fois plus efficaces : une obligation de rénovation des logements, un éco-prêt à taux zéro pour l’achat de véhicules propres, la généralisation du forfait mobilités durables à tous les salariés, la régulation sur 10 ans de la publicité pour les produits les plus polluants et une taxe sur les engrais azotés.
Un intense lobbiyng
À l’autre extrémité du camp des mécontents, il y a les entreprises, déjà lourdement malmenées par les impacts du Covid-19. Par le biais des organisations patronales et des fédérations professionnelles comme l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), la Plateforme française de l’automobile (PFA) ou encore l’IATA (International Air Travel Association), elles ont tenté d’amoindrir la portée de plusieurs mesures concernant la publicité, l’instauration de nouvelles taxes ou encore la limitation des espaces commerciaux et des vols intérieurs.
Une pression dénoncée par Olivier Petitjean, coordinateur d'une enquête sur le lobbying des industriels, menée par l'Observatoire des multinationales. "La Convention citoyenne pour le climat avait été conçue pour ouvrir la discussion au-delà de l'entre-soi des industriels et de l'administration", explique-t-il. "Le retour de bâton n'en a été que plus brutal. Derrière la virulence des invectives contre les citoyens et leurs propositions, il y a de puissants intérêts industriels qui refusent, au fond, de faire leur juste part des efforts nécessaires face à l'urgence climatique", ajoute-t-il.
Le texte de 65 articles intitulé "Climat et résilience" devrait être examiné dans l'hémicycle lors de la première quinzaine du mois d'avril. Il sera passé au crible en mars par une commission spéciale à l'Assemblée nationale. Les grandes lignes ont déjà été rendues publiques : fin de la location des passoires thermiques en 2028, interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, interdiction des vols domestiques s'il existe une alternative en train en moins de 2h30... Les 150 citoyens réservent quant à eux leur jugement pour leur dernière session plénière, du 26 au 28 février.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) L'avis du Cese sur la loi Climat et résilience, 27 janvier 2021