Publié le 18 février 2023
ENVIRONNEMENT
Deep Climate : vingt Français "climatonautes" mettent à l’épreuve leur adaptation aux changements climatiques
Au-delà de nos modes de vie, le changement climatique a un impact sur notre corps et même notre cerveau. Pour mieux comprendre comment nous pouvons nous y adapter, vingt volontaires ont accepté de passer quatre mois dans des conditions climatiques extrêmes. Une expérimentation qui les mènera de la Guyane à l’Arabie Saoudite en passant par la Laponie, et dont les conclusions sont attendues pour 2024.

Lucas Santucci / Human Adaptation Institute
Chaleur constante, forte humidité, températures négatives, vents puissants… Les conditions de vie des volontaires de la mission Deep Climate sont loin de faire rêver. Et pourtant, l’expérience de ces "climatonautes" nous offre un aperçu de notre quotidien dans un futur plus ou moins proche. Pour mieux comprendre l’adaptation de personnes vivant habituellement en milieu tempéré à des climats extrêmes, ces dix hommes et dix femmes participent à une expérimentation unique aux quatre coins du globe durant trois périodes de 40 jours.
Lancé par Christian Clot, explorateur et chercheur, Deep Climate permet en effet d’étudier "les mécanismes qui vont amener une personne à s’adapter à de nouvelles conditions de vie", qu’elles soient subies comme le changement climatique, ou intentionnelles, comme le fait de modifier ses habitudes pour adopter un mode de vie moins carboné par exemple. Une analyse menée à plusieurs échelles : "au niveau cognitif, de la physiologie générale mais aussi du système organisationnel d’un groupe", nous explique ce spécialiste de l'étude du comportement humain en situation réelle.
Les climats du futur
Pour cela, trois régions de la planète représentant trois climats distincts ont été sélectionnées. Il y a tout d’abord la forêt équatoriale de Guyane, milieu chaud et extrêmement humide dont les participants sont revenus fin janvier. La seconde étape se déroulera en Laponie, où les températures très froides peuvent rapidement varier. Enfin, les climatonautes prendront la direction du désert d’Arabie Saoudite. Cette dernière destination au climat chaud et sec se rapproche des conditions météorologiques qui pourront un jour toucher la France.
"Ces zones ont été choisies car elles correspondent à deux conditions : la première, c’est un climat qui pourrait correspondre à ce qu‘on aura dans le futur en Europe, la seconde c’est ce que sont des endroits où la manière de vivre est complexe, où l’on est dans l’inconfort", souligne Christian Clot. Des environnements qui peuvent entraîner des conséquences sur la santé physique en affectant le sommeil ou l’appétit, mais aussi l’état psychologique. Pour mieux appréhender ces impacts, les volontaires se prêtent à de multiples protocoles d’étude conduits par des chercheurs. IRM, prises de sang, suivi de la température corporelle et des activités… De nombreux paramètres sont examinés en continu à chaque étape, mais aussi entre les expéditions.
Premières observations
De retour de Guyane, les expériences menées par le groupe permettent déjà d’avancer quelques observations. Premier point, face aux conditions climatiques, les climatonautes ont rencontré des difficultés importantes au niveau physiologique. "Il n’y a pas du tout la même vitesse d’adaptation entre le cerveau et le corps. En Guyane, les gens ont assez rapidement accepté l’humidité, la pluie et les températures chaudes. Par contre, le corps a continué de souffrir", rapporte Christian Clot.
Du côté cognitif, c’est une autre limite qui se dessine : l’incertitude. "Avec le changement climatique, les gens sont prêts à accepter le fait qu’il fasse plus chaud. Ce dont ils ne se rendent pas compte, c’est le fait que cela sera beaucoup plus versatile", affirme le chercheur. Une inconstance qui complexifie les mécanismes d’adaptation. "Tant que l’on n’aura pas compris cela, on n’arrivera pas à opérer les changements nécessaires."
L’adaptation et sa compréhension sont donc clés pour mieux vivre les bouleversements qui nous attendent. Et c’est tout le propos de Deep Climate qui devrait livrer ses conclusions à destination des entreprises et des gouvernements en 2024. "Aujourd’hui, la plupart des solutions qui sont offertes reposent sur des technologies ou des lois, mais très peu sur les changements au niveau des individus en tant que tels", assure Christian Clot. "Pour faire face aux changements, il est nécessaire d’avoir une meilleure prise en compte de l’humain et de sa manière de se transformer."
Florine Morestin