Publié le 22 janvier 2015
ENVIRONNEMENT
James Inhofe : ce climato-sceptique va façonner la politique environnementale des Etats-Unis
James Inhofe est depuis le début de l’année le nouveau président du puissant Comité sur l’environnement au Sénat américain. Un poste-clé pour cet élu Républicain de l’Oklahoma qui, depuis des années, multiplie les sorties tonitruantes : le changement climatique ? Le "plus grand des mensonges". L’Agence de protection de l’environnement américaine ? La "Gestapo". Portrait d’un sénateur qui inquiète les associations écologistes.

© Ambassade des Etats-Unis en Ukraine
Ses adversaires ne lui reconnaissent qu’un seul geste en faveur de la planète: une loi pour sauver les tortues de Kemp, cette espèce menacée que James Inhofe a passé plusieurs étés à protéger, raccompagnant les femelles et leurs petits jusqu’à la mer. "Et après ça, les gens disent que je ne me soucie pas d’environnement !", a-t-il l’habitude de lancer à ceux qui le taxent d’être l’élu américain le plus "climato-sceptique". A la faveur des élections de mi-mandat remportées par les Républicains, il est aujourd’hui le président du puissant Comité sur l’environnement au Sénat. Son ombre plane donc désormais sur toutes les nouvelles législations environnementales américaines.
Élevé avec l’argent du gaz et du pétrole
Regard bleu acier et épaules larges, James Inhofe a des allures de John Wayne. Il se vante d’avoir passé plus de 10000 heures à piloter son petit avion. Mais à 80 ans, ce Républicain est surtout un vieux briscard de la politique. C’est à Tusla, la "capitale mondiale du pétrole", qu’il a commencé sa carrière. Quatre décennies plus tard, l’Oklahoma est toujours sa terre d’élection. Et ce n’est pas un hasard: "politiquement, c’est l’un des Etats les plus conservateurs et son économie repose en grande partie sur le pétrole et le gaz", rappelle un journaliste américain, auteur d’une longue enquête sur James Inhofe. Le secteur du gaz et du pétrole a d’ailleurs financé environ 10% de sa dernière campagne, selon le calcul du Center for Responsive Politics. Ses premiers mécènes sont les frères Koch, des milliardaires accusés, notamment par Greenpeace, de mettre leur fortune au service des élus climato-sceptiques.
Un négationniste du changement climatique
Pour comprendre pourquoi James Inhofe ne "croit" pas au changement climatique, il faut aussi prêter attention au Christ en croix accroché dans son bureau de Washington. Dans les années 80, le sénateur de l’Oklahoma a suivi un prédicateur évangéliste qui parcourait le monde pour trouver de nouveaux "disciples". Aujourd’hui, James Inhofe prend soin de ne pas brandir sa foi comme un étendard, mais elle irrigue son raisonnement. "Je trouve insupportable l’arrogance des gens qui pensent que nous, êtres humains, serions capables de changer ce qu’IL (Dieu, NDLR) fait pour le climat", confiait-il dans une interview il y a une dizaine d’années.
Depuis, James Inhofe a synthétisé sa pensée dans un pamphlet de 305 pages, mais comportant 5 références scientifiques seulement. Son titre: "Le plus grand des mensonges - Comment le complot du réchauffement climatique menace votre avenir." Car le changement climatique, James Inhofe préfère en rire. Lors de l’hiver 2010, quand Washington est sous la neige, il offre au Prix Nobel Al Gore... un igloo. Dans des formules fracassantes, il compare l’Agence de protection de l’environnement à la "Gestapo" et accuse la chanteuse Barbra Streisand d’être à l’origine du "complot" sur le changement climatique.
Et lorsqu’il argumente son opinion, lors d’un débat au Sénat, ces propos prennent des airs de négationnisme du changement climatique: "A ma connaissance, personne n’a prononcé l’expression 'réchauffement climatique' depuis 2009 (le Sommet de Copenhague, NDLR). Ces gens qui pensent vraiment que le monde est menacé de disparaître à cause du réchauffement climatique et de l’action de l’homme, des gaz anthropiques, ils sont juste alarmistes."
A contresens de la prise de conscience de nombreux pays
Dans un pays où seule la moitié des habitants pense aujourd’hui que le réchauffement climatique est dû à l’homme, James Inhofe a désormais les moyens de mettre en pratique ses théories, aussi peu étayées scientifiquement soient-elles. Dans les mois qui viennent, le Congrès va ainsi statuer sur des dossiers très sensibles comme la nouvelle législation sur les émissions d’ozone ou le pipeline géant Keystone XL.
"Choisir un climato-sceptique notoire pour le Comité sur l’environnement, c’est nommer un pyromane chef des pompiers", se désespère Melinda Pierce, de l’organisation écologiste Sierra Club. Mais à quelques mois du Sommet sur le climat de Paris, elle veut croire que le sénateur de l’Oklahoma est un homme du passé. "C’est une bataille ardue qui attend James Inhofe, parce que, à l’avenir, l’opinion publique et l’histoire ne lui donneront pas raison."