Publié le 21 décembre 2021
ENVIRONNEMENT
Au Chili, le président Gabriel Boric a gagné un bras de fer entre deux modèles radicalement opposés
Le Chili vient de choisir un très jeune président (35 ans). Ancienne figure du mouvement étudiant, Gabriel Boric qui fédérait toutes les tendances de la gauche, a battu le leader d’extrême droite nostalgique de Pinochet, Jose Antonio Kast en obtenant 56 % des voix. Leur duel était aussi celui de deux modèles de société aux antipodes. Justice sociale et protection de l'environnement pour Boric. Sécurité, ordre et positions ultra conservatrices pour Kast qui était arrivé en tête du premier tour.

MARTIN BERNETTI / AFP
"Le néo-libéralisme est né au Chili, et ce pays sera son tombeau." La phrase emblématique de Gabriel Boric résume son manifeste politique, né des mouvements massifs dits de révolte contre les inégalités sociales de 2019. Ils avaient obligé le pays à renoncer à organiser la COP 25 en 2020. Les étudiants à l’origine de l’explosion sociale qui a mobilisé les Chiliens pendant plusieurs semaines, se sont révoltés contre l’augmentation du prix des transports au coût déjà très élevé ce qui a embrasé un pays qui a massivement privatisé ses services publics.
"Il faut comprendre que le Chili est à deux vitesses depuis la fin de la dictature", explique Juan-Pablo Pallamar, universitaire chilien et chercheur en géopolitique à l’Université Paris 13. "Il y a une petite partie de la population qui bénéfice de la modernisation mais dans un pays où les biens et services publics essentiels (éducation, accès à l’eau) sont privatisés la majorité de la population n’y a accès qu’au prix d’un endettement massif."
Surendettement
4 millions de Chiliens sur 15 millions seraient en situation de surendettement et c’est l’une des principales raisons qui les poussent à remettre en question le modèle d’une économie de marché très libérale. L’élection de Gabriel Boric est l’aboutissement d’un processus amorcé en 2020 où les Chiliens ont décidé par référendum de se doter d’une nouvelle Constitution qui est en train d’être écrite par une Assemblée constituante composée de 155 membres élus. Ces derniers doivent rendre leur texte en juillet 2022. Largement issus de la société civile, ils multiplient les consultations citoyennes.
Les innovations politiques chiliennes ont des répercussions économiques sur toute la planète dans la mesure où le pays est le premier producteur mondial de cuivre, métal indispensable à la transition énergétique. Cet été le Chili a été victime d’une sévère sècheresse. L’eau étant indispensable à la vie humaine et à l’extraction minière, le nouveau cadre environnemental a conduit un tribunal à suspendre l’activité d’extraction d’une des mines du groupe BHP. La réduction de la production a été un symbole des nouveaux arbitrages du pays qui explique la victoire de Gabriel Boric.
100 % renouvelables
Lutter contre les inégalités sociales en construisant des nouveaux modèles basés sur une grande ouverture et un meilleur respect des droits des femmes, des minorités et de l’environnement, c’est donc le pari chilien dont la population est âgée en moyenne de 35 ans, l’âge de son président ! Ces jeunes ont voté massivement et ont convaincu leurs parents et grand-parents de faire de même en sachant qu’avant l’élection le pays était déjà lancé dans une transition énergétique massive.
Long de 4500 km, le Chili développe toutes les énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydrogène vert) et se dirige vers un approvisionnement 100 % renouvelables ce qui lui a permis de fermer ses centrales à charbon avec 15 ans d’avance sur le calendrier annoncé…
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic