Publié le 12 mai 2020
ENVIRONNEMENT
Après Covid-19 : cinq priorités pour un vrai plan de relance vert
Les appels et les rapports se multiplient depuis plusieurs semaines pour préparer la sortie de crise et inscrire l'urgence climatique dans les futurs plans de relance. Cinq priorités absolues en émergent pour que "le jour d'après" permette bel et bien de construire une société plus résiliente et juste.

@Jossnatu
Des grands patrons jusqu'au ministre de l'Économie, en passant par les citoyens, les scientifiques, les syndicats, les ONG ou les élus, nombreux sont ceux qui appellent à ce que le jour d’après ne ressemble pas à celui d’avant. Dans une tribune publiée la semaine dernière dans Le Monde, 200 personnalités internationales, parmi lesquelles Madonna, Robert de Niro, Isabelle Adjani ou Yann Arthus-Bertrand, disent également "non à un retour à la normale". Alors à quoi devrait ressembler un plan de relance véritablement ambitieux ? Voici la réponse en cinq points.
1) Instaurer des contreparties aux soutiens budgétaires
Alors que les gouvernements débloquent des milliards d’argent public pour relancer les secteurs les plus frappés par la crise du Coronavirus, de nombreuses organisations appellent à mettre en place des contreparties environnementales. Le Haut Conseil pour le climat (1) estime ainsi que "l’octroi de mesures budgétaires ou d’incitations fiscales à des acteurs privés ou des collectivités devrait être clairement subordonné à l’adoption explicite de plans d’investissement et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie".
Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, appelle ainsi à placer l’urgence climatique au cœur des financements actuels. "Si l’on ne finance pas le climat dès maintenant, après, il sera trop tard. Il n’y aura plus d’argent pour faire quoi que ce soit" prévient-elle.
2) Sortir des énergies fossiles
Sortir des énergies fossiles et développer massivement les énergies renouvelables est favorable à la relance économique, estime l'Agence internationale des énergies renouvelables (2). Elle a esquissé un scénario de relance qui vise la décarbonation complète de l'énergie. Le surcoût est estimé entre 35 000 et 45 000 milliards de dollars par rapport aux prévisions d'avant-crise. Mais les bénéfices sur la santé et l’environnement pourraient atteindre de 62 000 à 169 000 milliards de dollars d'ici 2050/2060 ! En outre, les emplois dans le domaine des énergies renouvelables seraient multipliés par quatre par rapport à aujourd’hui, pour atteindre 42 millions au milieu du siècle.
Une autre étude publiée par plusieurs universités anglaises (3) confirme qu’"en comparaison avec les relances budgétaires traditionnelles, les projets verts créent plus d'emplois, offrent un retour sur investissement à court terme plus élevé par dollar investi et permettent davantage d’économies sur le long terme". Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont examiné plus de 700 politiques de relance économique lancées pendant ou depuis la crise financière de 2008.
3) Relocaliser les activités essentielles
Plus que jamais cette crise aura démontré la trop grande dépendance de nos chaînes d'approvisionnement. C’est pourquoi, de nombreuses voix demandent une relocalisation des activités essentielles à l’instar des 16 organisations et syndicats réunis dans le mouvement #Plusjamaisça. "Nous demandons un plan de réorientation et de relocalisation solidaire de l'agriculture, de l'industrie et des services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et de répondre à la crise écologique".
Dans une note publiée le 30 mars (4), Natixis estime ainsi que cette crise du coronavirus va très probablement provoquer le retour à des chaînes de valeur régionales et le développement d’industries stratégiques nationales (pharmacie, énergies renouvelables…). "La crise du coronavirus annonce la fin du capitalisme néo-libéral" conclut Patrick Artus, chef économiste et membre du comité exécutif au sein de la banque.
4) Investir massivement dans les infrastructures vertes et la rénovation des bâtiments
Il suffirait de sept milliards d’euros d’investissements publics supplémentaires par an d’ici 2023 pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, selon I4CE (5). Ces financements devraient aller en priorité à la rénovation des bâtiments de l’État et des collectivités, l’électrification des flottes de véhicules publics ou les infrastructures de transport en commun. Des prêts à taux faible ou nul et de longue durée pourraient aussi être distribués par les banques publiques et le réseau des banques commerciales, pour permettre à des acteurs économiques, en particulier les ménages modestes et les PME, de lancer leurs projets sans difficulté de trésorerie.
Le think tank préconise enfin de rendre les travaux de rénovation énergétique obligatoires, avec un objectif de résultat sur les consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. "Par exemple, pour la rénovation des logements du privé, il suffirait de 200 millions d’euros supplémentaires par an pour atteindre des niveaux d’investissement élevés, de l’ordre de 16 milliards d’euros par an. Pour cela, il faut séquencer les obligations de rénovation, notamment en ciblant les transactions immobilières", précise Hadrien Hainaut, l’un des auteurs.
5) Prendre le pouls de la société
Dans une lettre ouverte au président de la République (5), des dizaines de signataires tels qu'Anne Hidalgo, Cyril Dion ou la gilet jaune Priscillia Ludosky jugent qu'il "est indispensable de dessiner un scénario démocratique impliquant le plus largement possible les citoyens, les territoires et la société civile". Il inclurait trois étapes avec d’abord une phase de consultation citoyenne, puis la création d'un Conseil national de la Transition et d'une Assemblée citoyenne du futur qui ferait l'objet d’un vote du Parlement dès l'été.
Le Pacte du pouvoir de vivre (6) propose pour sa part la tenue d’une conférence de la transformation écologique et sociale d’ici l’été qui regrouperait les corps intermédiaires, la société civile, des élus locaux et des parlementaires. Celle-ci devra également prendre appui sur les résultats et premières propositions issus du travail approfondi mené par la Convention Citoyenne sur le Climat, qui doivent être dévoilées fin juin.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le rapport du Haut conseil pour le climat
(2) Voir le rapport de l'Agence internationale des énergies renouvelables
(3) Voir l'étude de plusieurs universités anglaises sur les plans de relance post-2008
(4) Voir la note de Natixis
(5) Voir la lettre ouverte #NousLesPremiers
(6) Voir les propositions du Pacte du pouvoir de vivre