Publié le 24 juillet 2019
ENVIRONNEMENT
Agriculture, énergie, eau potable… la sécheresse de tous les dangers
Alors qu’un nouvel épisode de canicule déferle sur le pays, 73 départements - sur 101 - font face à des restrictions d’eau et une vingtaine sont en situation de crise (arrêt des prélèvements non prioritaires y compris agricoles). Le changement climatique aggrave ce phénomène. A l'avenir, les sécheresses seront plus fréquentes, plus longues et intenses, bouleversant de nombreux secteurs.

@Frederick Florin / AFP
Canicule 2019, épisode 2. En seulement un mois, la France doit faire face à deux canicules majeures, symptomatiques du changement climatique en cours. Cette chaleur accablante vient aggraver la sécheresse qui frappe le pays depuis plusieurs semaines en raison du déficit de pluies de l'hiver. De quoi perturber plusieurs secteurs comme l’agriculture, l’énergie, l’approvisionnement en eau potable, la biodiversité ou encore la construction.
L'agriculture en crise
La situation est très préoccupante pour les agriculteurs français qui subissent de plein fouet les restrictions d’eau qui touchent 73 départements, même si le ministère a fait quelques concessions. Certains éleveurs "manquent de fourrage pour nourrir les animaux, mais également pour les grandes cultures lorsque l’irrigation n’est pas possible", explique le principal syndicat agricole. La situation est telle que le gouvernement a annoncé le déblocage d'un milliard d’euros pour les aider.
Pour pouvoir irriguer les champs en été, malgré ce type d'épisode, la FNSEA réclame depuis des années la possibilité de stocker l’excès d’eau en hiver. Une pratique critiquée par plusieurs organisations environnementales et agricoles qui craignent un assèchement des nappes phréatiques. Pour la Confédération paysanne c’est le modèle agricole français qu’il faut réorienter vers plus de durabilité. Car l’agriculture intensive participe au réchauffement climatique et donc aux canicules, un cercle vicieux.
Vers un black-out ?
Outre l’agriculture, en France, une grande partie des prélèvements d’eau douce sert à refroidir les réacteurs nucléaires. Alors que les climatiseurs et ventilateurs tournent à plein régime, risque-t-on un black-out ? "Nos équipes ont anticipé la situation qui n'est pas du tout exceptionnelle pour la saison malgré les fortes chaleur", assure un porte-parole d'EDF.
Pour l'électricien, ce n’est pas tant la baisse du débit des cours d'eau mais la température de rejet dans les fleuves qui peut poser problème. EDF utilise l'eau des fleuves pour refroidir les réacteurs avant de la rejeter, mais celle-ci ne doit pas dépasser une certaine température afin de limiter les dégâts sur la faune et la flore. Dès que cette limite ne peut plus être garantie, EDF a l’obligation de baisser la puissance ou d’arrêter ses exploitations. C'est pourquoi cette semaine l'énergéticien a dû arrêter deux réacteurs de la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne).
Des réserves d'eau en baisse
La quasi totalité de la Loire-Atlantique est en situation de crise, le plus haut niveau de vigilance défini par l'État. Pas d'alerte sur la production d'eau potable mais, dans la région, il est strictement interdit d'arroser son potager, laver son véhicule ou remplir sa piscine. Les professionnels doivent également limiter leurs usages. En cause, le manque de pluie l'hiver dernier, en baisse de 20 % en moyenne sur la France par rapport à la période de référence 1981-2010, et qui n'a pas permis de recharger abondamment les nappes phréatiques.
La ressource en eau disponible, estimée à 191 milliards de mètres cube, est encore largement supérieure aux besoins (32 milliards de m3/an). Mais "les niveaux sont globalement très inférieurs à ceux de l’année précédente à cette même époque", selon le BRGM. Sur le long terme, il va donc falloir travailler à une meilleure gestion de l’eau pour éviter les conflits d’usage qui se font déjà jour autour de la construction de barrages d’irrigation. Les dernières Assises de l’eau ont fixé l’objectif d’une baisse des prélèvements de 10 % d’ici à cinq ans et de 25 % d’ici à quinze ans.
Poissons, abeilles, sapins... tous meurent de soif
Ce sont des images effrayantes. Dans les affluents asséchés du Rhône, les poissons, à l’agonie, remontent à la surface par manque d’eau. Ironie du sort ce sont les pêcheurs qui leur viennent en aide. Les insectes sont également touchés par cette sécheresse, particulièrement les abeilles car les fleurs ne produisent plus assez de nectar pour les nourrir. Ce qui se répercute logiquement sur la production de miel.
Dans les Vosges, les stigmates de la sécheresse sont visibles de loin. Les célèbres forêts de sapin prennent une couleur rouille, signe d’un manque d’eau. Or, dès que la cime rougit, l’arbre peut mourir en quelques semaines, souvent colonisé par des parasites qui profitent de sa faiblesse. Dans le Haut Rhin, la situation est également alarmante. C’est "une tempête silencieuse" qui s’abat sur la forêt, estime Cédric Ficht, directeur de l’agence ONF de Mulhouse.
4,5 millions de maisons en danger
Avec la sécheresse, les sols argileux se rétractent et des fissures apparaissent sur les édifices construits dessus pouvant aller jusqu'à les rendre inhabitables. 4,5 millions de pavillons seraient en danger en France. Ces dommages infligés par la sécheresse représentent même le deuxième poste d'indemnisation au titre des catastrophes naturelles, après les inondations. L'année la plus coûteuse reste 2003 avec 1,8 milliard d'euros. 2019 pourrait bien la talonner.
Concepcion Alvarez et Marina Fabre