Publié le 02 mai 2018
ENTREPRISES RESPONSABLES
Devoir de vigilance : les premiers plans, publiés par les entreprises, doivent être améliorés
La loi sur le devoir de vigilance est entrée en vigueur depuis le début de l’année. Elle contraint les grandes entreprises à publier des plans destinés à montrer les moyens qu’elles mettent en œuvre pour identifier et prévenir l’impact environnemental et sociétal de leurs activités. Selon Edh (entreprises pour les droits de l’homme) et B&L évolution, si les sociétés font preuve de bonne volonté, les rendus sont inégaux.

@JESP62
Depuis le début 2018, les grandes entreprises françaises (1) sont tenues de publier un plan de vigilance. Selon la loi sur le devoir de vigilance, ceux-ci doivent permettre d’identifier et de prévenir leurs impacts environnementaux et sociétaux. Cela concerne aussi ceux de leurs filiales et sous-traitants.
La France fait figure de pionnière en la matière. Toutefois, de nombreuses entreprises y sont allées à reculons. Les premiers plans font donc le plus souvent figure d’exercice de conformité, parfois sans grand lien avec la stratégie globale. Il y a de grands écarts de maturité selon les sociétés, selon l’analyse réalisée par Edh (Entreprises pour les droits de l’homme) et B&L évolution, qui a analysé la soixantaine de plans publiés début avril et déposées à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Un travail transversal
Edh souligne, tout d'abord, que les entreprises ont en majorité joué le jeu. 55 d’entre elles ont clairement identifié et développé un chapitre spécifique, la plupart du temps au sein de la partie dédiée à la responsabilité sociétale (RSE). Et elles ont suivi l’ordre du texte de loi, en commençant par une cartographie des fournisseurs et des risques, reprenant ceux mis en place avec la loi Sapin 2 en matière de corruption.
D’autre part, la rédaction des plans a demandé aux différentes directions des entreprises de travailler ensemble. Des comités incluant les directions achats, juridiques, HSE, éthique, de l’audit, ou financière, ont été formés, la plupart du temps sous la houlette des directions RSE ou Développement durable. Mais seulement un cinquième des entreprises mentionnent explicitement l’approbation du plan et/ou le suivi de sa mise en œuvre au plus haut niveau de l’entreprise.
Or, rappelle les auteurs de l’étude, le portage au plus haut niveau est "un signal fort auprès des collaborateurs chargés d’appliquer les plans de vigilance" et un facteur de déploiement plus élevé. Françoise Guichard, présidente d’Edh, recommande ainsi une analyse annuelle en conseil d’administration.
Des degrés de maturité hétérogènes
Concernant le contenu, les pratiques sont hétérogènes et dépendent du degré de maturité des entreprises sur les questions RSE, souligne Sylvain Boucherand, co-fondateur et PDG de B&L évolution. "Certains plans de vigilance sont juste évoqués, sans contenus, d’autres font 14 pages, mais ne sont pas forcément très précis. Certains manquent de cohérence. Les meilleurs vont jusqu’à détailler les risques en fonction des différentes entités du groupe. ", détaille-t-il.
Sur les droits de l’homme, "les principaux enjeux ne sont pas toujours mentionnés et, quand ils le sont, ils restent assez généraux", commente Edh. Seules les entreprises les plus avancées mentionnent des réponses spécifiques. C’est le cas de Schneider Electric qui va déployer en 2018 un programme international de prévention du travail forcé ou d’Engie qui dispose de mécanismes de réclamation au niveau local et de vigilance auprès de ses partenaires commerciaux.
Des parties prenantes à mieux associer
Sur les questions environnementales, des efforts sont également à fournir pour plus de cohérence et d’efficacité. Si deux tiers des entreprises font mention d’une analyse des risques, ceux-ci ne sont pas toujours liés aux enjeux les plus pertinents pour leur secteur ou leur zone géographique… Enfin, seulement 14 % des entreprises étudiées précisent l’intégration d’indicateurs environnementaux dans le suivi de leur plan de vigilance, un exercice prévu pour 2019 par la loi.
Autre point d’amélioration à apporter en 2019, une meilleure association des parties prenantes, notamment internes. Les syndicats et Instances de représentation du personnel ont été très peu sollicités pour la rédaction des plans de vigilance ou même leur présentation, déplore Frédérique Lellouche, secrétaire confédérale de la CFDT en charge des questions RSE. Si l’on en croit les plans de vigilance analysés, une entreprise sur cinq prévoit d’associer ses parties prenantes pour le deuxième exercice.
Béatrice Heraud @beatriceheraud
(1) les entreprises concernées sont celles ayant plus de 5 000 employés en France ou 10 000 salariés si le siège social est à l’étranger. A terme cela devrait concerner 150 à 200 entreprises.