Publié le 15 décembre 2022
ÉNERGIE
Plan covoiturage : le gouvernement veut en faire un transport en commun comme les autres
Le covoiturage prend sa place dans l'arsenal de la mobilité durable et partagée. 150 millions d'euros lui sont alloués par le gouvernement pour tripler son usage d'ici 2027. Lignes de covoiturage avec arrêts dédiés, voies réservées, plateformes en ligne... Tous les moyens sont bons pour encourager ce mode de transport particulièrement adapté dans les zones peu denses où les transports en commun sont difficiles à mettre en place.

@Ecov
Plus question de rouler seul, le gouvernement passe la vitesse supérieure pour faire du covoiturage une solution de transport du quotidien. "Chaque jour, environ 100 millions de déplacements sont effectués en voiture pour se rendre au travail, à l'école ou pour faire ses courses mais la majorité de ces trajets sont effectués avec une seule personne dans la voiture", souligne le communiqué de presse du nouveau Plan national covoiturage du quotidien, lancé par le gouvernement.
Celui-ci vise à tripler l'usage du covoiturage d'ici 2027 pour passer de 900 000 trajets par jour, soit environ 1% du trafic actuellement, à 3 millions, soit 3% du trafic. L'impact pourrait être considérable car les déplacements en voiture représentent 15% des émissions de gaz à effet de serre en France métropolitaine. Si l'objectif de tripler le covoiturage est atteint, 4,5 millions de tonnes de CO2 par an, soit 1% du bilan carbone annuel de la France, seraient évitées. En plus de ces effets positifs sur le climat, une réduction de la congestion routière et de la pollution de l'air sont aussi attendus. Une solution "bonne pour la planète et pour le pouvoir d'achat", précise aussi le gouvernement, conscient de ces avantages face la hausse des prix du carburant.
"Un tournant pour la mobilité hors des centre-villes"
Le plan, doté de 150 millions d'euros, vise en priorité les déplacements quotidiens. Les conducteurs effectuant du covoiturage à l'aide de plateformes telles que Karos, Blablacar ou Ecov pourront obtenir une prime allant jusqu'à 100€, la totalité étant débloquée au bout de 10 trajets réalisés en trois mois. Les communes, désormais organisatrices du covoiturage en plus des autres réseaux de transports en commun, ne sont pas en reste. Le gouvernement va prendre en charge une partie du soutien financier aux covoitureurs déjà mis en place par certaines d'entre elles et financer des aires ou des lignes de covoiturage.
De quoi réjouir Thomas Matagne, le fondateur d'Ecov, opérateur de lignes de covoiturage. Ces dernières imitent le fonctionnement d'une ligne de bus en étant sans réservation et avec des arrêts dédiés. Sur les lignes déjà installées, comme à Reims ou dans l'agglomération lyonnaise, Ecov indique un temps d'attente moyen de 4 minutes. Sur certains réseaux, le service garantit aussi un maximum d'attente de 20 minutes, avec l'envoi, dans de rares cas, d'un taxi pris en charge par la société, par exemple "lors de l'amorçage du service", explique Thomas Matagne.
"Dans les centres bourgs, on se rend à l'arrêt de covoiturage à pied ou à vélo. On peut aussi rejoindre des aires de covoiturage en voiture", décrit le fondateur d'Ecov. "C'est un enjeu structurel pour les territoires périurbains et ruraux, il faut créer un système multimodal comme ce qui existe déjà dans les villes", poursuit-il. Le système montre son efficacité notamment dans l'agglomération lyonnaise où Ecov a constaté que 21% de leurs usagers se sont séparés de leur véhicule et 21% l'envisagent. "Une étape très importante a été franchie avec la prise en main par le politique, il s’agit d’un tournant pour la mobilité hors des centres-villes", conclut le fondateur d'Ecov, confiant dans la capacité du covoiturage à gagner en "maturité collective".
"Une solution nécessaire mais pas suffisante"
Le covoiturage est "nécessaire mais pas suffisant" pour réduire les émissions de CO2 en France, tempère néanmoins Laura Foglia, coordinatrice du Plan de Mobilité courte distance du Shift Project. Ce rapport publié en 2020, qui vise à réduire la part de la voiture dans les voyages de 80% à 50%, veut faire "quasiment totalement disparaître" la voiture du cœur des villes au profit de transports en commun comme le bus ou encore du vélo. Mais "il vaut mieux une voiture partagée qu'un bus quasiment vide", précise Laura Foglia, soulignant la nécessité de "jouer sur la complémentarité des moyens de transports".
Le covoiturage reste donc pertinent dans les zones peu denses selon le Shift Project qui veut faire évoluer l'occupation moyenne des voitures de 1,4 personne à 1,6. Reste à rassurer les passagers qui ont "peur d'être dépendants, de ne pas pouvoir rentrer chez eux plus tard en cas d'imprévu" explique Laura Foglia. C'est justement pour améliorer le service de covoiturage et en faire un vrai réseau "libre, fiable et à haute fréquence" que le gouvernement veut agir, rétorque Thomas Matagne.