Publié le 22 octobre 2023
ÉNERGIE
A69 : entre manifestation "joyeuse et populaire" d’un côté et "incendies et zad évacuée" de l’autre, l’impossible dialogue
Ce week-end, on ne retiendra sans doute de la mobilisation contre l'A69 que les dégradations dans les entreprises sous-traitantes du chantier et la Zad éphémère, évacuée brutalement par les forces de l'ordre. Mais derrière ces images chocs, il y avait aussi celles d'une manifestation qui s'est majoritairement déroulée dans le calme et la bonne humeur et d'un espace démocratique où scientifiques et riverains ont essayé d'échanger sur le changement climatique.

VALENTINE CHAPUIS / AFP
Ce week-end, la mobilisation "Ramdam sur le macadam" contre l’A69 entre Castres et Toulouse a rassemblé plusieurs milliers d'opposants à Saïx dans le Tarn. "Plus de 10 000 personnes", selon les organisateurs, 2 400 selon la préfecture. Une mobilisation majoritairement calme, "inventive et joyeuse" comme l’ont décrite certains participants. "De nombreux habitants, le monde paysan, les scientifiques, les naturalistes... se sont réunis pour une manifestation populaire et festive à Saïx", racontent aussi les organisateurs dans un communiqué.
Mobilisation inventive, joyeuse et ensoleillée contre l’ #A69 à l’appel de @LaVoieEstLibre_
Très grande détermination des militant.e.s pour empêcher la poursuite des destructions.
La saison 6 des @lessoulevements s’annonce prometteuse !
On continue.#NoMacadam #NoBassaran https://t.co/YMyL2rtWLE pic.twitter.com/1Zw9OOG23J— Antoine Meunier (@A_Mnier) October 22, 2023
Mais ce qu’en ont surtout retenu les médias, c’est la prise pour cible de deux entreprises sous-traitantes du chantier. La préfecture a ainsi comptabilisé "2 500 individus radicaux et violents", "presque tous cagoulés, vêtus de noir, casqués". Dans la cimenterie, "un algeco, trois véhicules toupies et un engin de travaux publics" ont été endommagés lors d'un incendie allumé par ces militants, qui ont "dégradé le bâtiment" de l'entreprise Bardou et "arraché ses clôtures, avant d'être repoussés par les forces de l'ordre", explique la préfecture. Au total, sept interpellations ont eu lieu, selon la même source.
"Un groupe est entré dans une cimenterie d'un prestataire de l'A69, Carayon, qui sera directement impliqué dans le chantier de l'A69. Ils sont entrés pour déployer une banderole géante sur le silo. Nous avons alors appris qu'un camion-toupie avait été incendié. Le préfet s'est empressé de sauter sur l’occasion pour tenter de criminaliser la lutte !", ont réagi dans un communiqué les organisateurs de la mobilisation. "Les collectifs ne réclament que l'apaisement depuis des mois, la suspension du chantier indispensable pour entamer un dialogue constructif. Le préfet n'a eu de cesse de tendre la situation par des provocations", déplorent-ils.
"Plus de légumes, moins de bitume"
À plusieurs kilomètres de là, le gros des manifestants a défilé calmement samedi 21 octobre. Côte à côte, au détour des différents cortèges, marchaient des anciens mobilisés du plateau du Larzac avec des militants plus jeunes, les banderoles et pancartes multipliant les jeux de mots: "Faites des 69, pas l'A69", "Des prairies, pas des Ferrari" ou encore "Plus de légumes, moins de bitume". "Jamais il n'y a eu une telle empathie pour notre lutte", se félicitait Gilles Garric du collectif La Voie est libre, qui avec d'autres associations et syndicats (Extinction Rebellion, les Soulèvements de la Terre, Groupement national de surveillance des arbres, Confédération Paysanne, Solidaires, etc.) ont organisé le rassemblement.
S'appuyant sur un sondage Ifop réalisé il y a quelques jours auprès de la population du Tarn et de la Haute-Garonne, il a indiqué que 61% des sondés étaient favorables à l'abandon du projet d'autoroute et qu'ils étaient 82% à se prononcer pour un référendum local. De son côté, Atosca, s'appuyant sur un autre sondage réalisé par Opinion Way, a fait valoir que 53% des Français sont favorables à l'autoroute. L'entreprise a également insisté sur le fait qu'environ 40% du budget du chantier a déjà été engagé et que les travaux étaient donc bien lancés.
"La ZAD n'est pas un élément festif et sympathique"
De retour au campement situé à Saïx, à une dizaine de kilomètres à l'est de Castres, plusieurs militants ont investi des maisons expropriées par le chantier sur le lieu-dit de la Crémade pour créer une Zad (Zone à défendre) baptisée "CremZAD". Mais celle-ci a été évacués dimanche 22 octobre à la mi-journée. "Les gendarmes mobiles ont fait irruption sur le site et le campement alentour en tirant des lacrymogènes... en plein milieu de l'assemblée de l'ATECOPOL, animée par des dizaines de scientifiques, dont des membres du Giec expliquant la gravité de la crise climatique et l'importance d'arrêter les projets comme l'A69, expliquent les organisateurs.
"Ces tirs ont provoqué plusieurs départs de feu dans les champs et bois environnants, une situation extrêmement dangereuse pour le lieu et les personnes présentes", ont également témoigné les militants sur place. Ils déplorent 30 blessés, dont le militant Thomas Brail, qui avait fait une grève de la faim et de la soif, et qui a dû être évacué.
La répression est assez violente, les flics gazent jusqu'au camp, jusqu'au tracteur et la tente psy qui à faillit prendre feu. Faites attention à vous, toutes les personnes vulnérable peuvent rejoindre le drapeau rouge pour être en sécurité ! #A69 #Tarn #SDT pic.twitter.com/oM1T0uLBZa
— Extinction Rebellion Toulouse (@xrToulouse) October 22, 2023
"Je ne veux pas un pays où l'on a zéro infrastructure, zéro projet et où, même avec des arguments valables, une minorité imposerait sa loi aux élus et à la majorité élue", a martelé le ministre des Transports Clément Beaune dimanche sur France Inter. "La ZAD n'est pas un élément festif et sympathique, c'est une violation des règles élémentaires de la propriété et de l'espace public, donc non!", a-t-il ajouté. D’un côté comme de l’autre, le dialogue semble bel et bien impossible.
Concepcion Alvarez avec AFP