Publié le 26 septembre 2025

De l’Italie à la Turquie, les aléas météorologiques, amplifiés par la crise climatique, mettent en danger les cultures de noisetiers. Alors que les récoltes s’annoncent cette année à la baisse, les prix des fruits secs sur le marché des matières premières explosent, forçant les industriels à s’adapter, Ferrero en tête.

En Italie, la chaleur a grignoté les récoltes de noisettes. Le pays qui produit environ 100 000 tonnes de ce petit fruit sec chaque année, a souffert des conséquences d’un climat plus chaud durant ces derniers mois. D’après les données du European Drought Observatory, plusieurs régions d’Italie ont subi cet été des périodes de canicules et de sécheresses, en particulier au nord-ouest, dans les Pouilles ou encore en Campanie. Ce manque de précipitations, couplé à la prolifération de punaises asiatiques, un insecte nuisible aux cultures de noisetiers, a largement affecté les cultures.

“La situation des noiseraies du Piémont est dramatique, avec des chutes de production dépassant 70% dans certaines zones. L’état de catastrophe naturelle doit être déclaré”, déclarait fin août la Confédération italienne des agriculteurs italiens auprès du quotidien national La Repubblica. Concernant la région du Latium, “les estimations initiales de production, comprises entre 35 000 et 40 000 tonnes, ont été considérablement revues à la baisse en raison des conditions climatiques extrêmes de cette saison, avec une perte estimée à environ 40% du potentiel de production”, estime l’organisation des producteurs de fruits à coque Assofrutti.

Hausse de 50% des prix au kilo

Résultat, les prix s’envolent. Selon des chiffres dévoilés par la société spécialisée Areté et rapportés par La Repubblica, la tonne de noisettes s’échangerait aujourd’hui autour de 12 000 dollars, soit une hausse de 56% par rapport à la même période l’année dernière. “Ce qui est certain, c’est que si la crise devait se poursuivre, nous pourrions être confrontés à un effondrement dangereux du secteur au niveau national”, avance le réseau de consultants en agriculture Nocciolare. Des difficultés loin d’être limitées à la botte italienne.

La Turquie, premier producteur mondial, devrait elle aussi souffrir d’une chute des récoltes en 2025, due cette fois-ci à “l’une des pires périodes de gel pour l’agriculture dans l’histoire du pays”, selon le ministre turc de l’agriculture, avec des températures atteignant mi-avril -15°C dans certaines provinces. A cet épisode se sont ajoutées de fortes chaleurs au mois de juillet, ayant entraîné des “brûlures apicales”, c’est-à-dire des carences liées au stress hydrique subi par les arbres. Selon l’Office turc des céréales cité par le média Turkish minute, les projections prévoient pour cette année une récolte de 453 000 tonnes, contre 717 000 tonnes en 2024.

Alors qu’elle fournit 70% des noisettes consommées sur la planète, la Turquie anticipe d’ores et déjà une hausse record des coûts. L’Office turc des céréales a en effet annoncé début août un prix d’achat situé à environ 200 livres turques (4,83 dollars) le kilogramme, ce qui représente une augmentation de 50% par rapport à la saison passée. Le coût d’un kilo sur les marchés internationaux pourrait même frôler les dix dollars selon plusieurs experts, bien au-delà des prix atteints lors de la précédente pénurie en 2014. Une crise à laquelle les agroindustriels devront encore s’adapter, tout comme lors de la flambée des prix du cacao ou du jus d’orange.

“Un défi pour l’ensemble du secteur”

A commencer par Ferrero : un quart des noisettes récoltées en Turquie serviraient à la fabrication de sa célèbre pâte à tartiner Nutella. Pourtant, le géant qui se fournit également en Italie, au Chili et aux Etats-Unis, se veut rassurant. “Ferrero diversifie ses sources d’approvisionnement à travers le monde et, grâce à sa stratégie à long terme, ne prévoit aucune perturbation dans la fourniture de ses produits”, écrit le groupe dans un communiqué au média allemand Deutsche Welle. “Nous n’ajusterons pas nos recettes”, affirme de son côté un porte-parole du fabricant de chocolat Lindt & Sprüngli interrogé par Novethic. Si l’industriel confirme être “confronté à une forte volatilité et à une augmentation des coûts”, il assure “compenser [ces] fluctuations en augmentant autant que possible son efficacité”.

A l’instar de ses concurrents, l’entreprise de produits biologiques Rigoni di Asiago, notamment connue pour sa pâte à tartiner Nocciolata, déclare quant à elle limiter ces impacts en “optimisant [ses] processus internes”. “La hausse récente des prix du cacao, combinée aux tensions sur le marché des noisettes, représente effectivement un défi pour l’ensemble du secteur”, confirme néanmoins à Novethic la PDG de Rigoni di Asiago, Cristina Rigoni. “C’est pourquoi nous investissons dans des partenariats de long terme, dans l’innovation et dans une gestion durable des ressources, afin d’assurer la résilience de notre filière dans les années à venir”, ajoute-t-elle.

Mais le climat n’est pas le seul challenge que rencontre la filière. Ces derniers mois, les noisiculteurs se sont retrouvés au cœur de la bataille lancée autour de l’acétamipride à travers la loi Duplomb. La réintroduction de ce néonicotinoïde était réclamée de longue date par la majorité des producteurs de noisettes, afin de lutter contre certains ravageurs. Son interdiction maintenue en France, alors qu’il est toujours autorisé dans l’Union européenne et en Turquie, reste au cœur des débats et questionne le modèle d’une filière appelée à s’adapter.

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