Publié le 8 juillet 2025

La loi Duplomb qui prévoit la réintroduction d’un néonicotinoïde interdit en France, l’acétamipride, a été définitivement adoptée mardi 8 juin, après son examen à l’Assemblée nationale. Des victimes de cancer et des médecins étaient présents dans l’hémicycle pour appeler à rejeter le texte.

“C’est fini, on sait d’où vient le problème !”, lance Laure Marivain. Cette ancienne fleuriste a perdu sa fille Emmy, morte à 11 ans d’une leucémie après avoir été exposée in utero aux pesticides présents dans les fleurs. En 2023, le lien de causalité entre la pathologie d’Emmy et son exposition aux pesticides avait été reconnu, une première pour une victime décédée. Mardi 8 juillet, Laure Marivain a tenu à être présente aux balcons de l’Assemblée nationale pour assister au vote de la loi Duplomb, ou “loi poison” comme l’ont baptisée ses opposants. Le texte, qui avait fait l’objet d’un accord en Commission mixte paritaire, a été adopté à 316 voix pour (des macronistes à l’extrême droite), 223 voix contre.

“Cette loi m’écœure, c’est une loi mortifère qui va condamner des millions de personnes alors que les hôpitaux regorgent déjà de malades, c’est en à vomir. L’oncologie pédiatrique déborde de patients”, s’exclame la mère de famille qui n’entend pas mâcher ses mots. A ses côtés, d’autres parents d’enfants atteints de cancer, mais aussi des scientifiques et des médecins. “Symboliquement, on veut que les députés votent sous nos yeux“, ajoute Franck Rinchet-Girollet, père d’un enfant de 8 ans en rémission d’un cancer et porte-parole de l’association Avenir Santé Environnement.

“Alerte générale de la science”

Au cœur du texte, présenté comme l’une des réponses à la colère des agriculteurs de l’hiver 2024, la réautorisation sous conditions de l’acétamipride sur 500 000 hectares de cultures. Ce néonicotinoïde est interdit en France depuis 2020, mais autorisé en Europe jusqu’en 2032. Il est réclamé par certains producteurs de betteraves ou de noisettes qui estiment n’avoir aucune alternative et qui fustigent une distorsion de concurrence. La loi Duplomb prévoit toutefois une “clause de revoyure” au bout de trois années de réintroduction ainsi que l’interdiction de planter, sur les zones préalablement traitées, des végétaux qui attirent les pollinisateurs.

Insuffisant, ont rétorqué les opposants au texte, la société civile, mais aussi un millier de scientifiques et de médecins, 21 sociétés savantes médicales, qui tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. Le 8 juillet encore, ils se sont mobilisés devant l’Assemblée nationale pour appeler les députés à rejeter la proposition de loi. “Je suis médecin généraliste à Champigny, en région parisienne. En trente ans d’exercice, j’assiste à une hausse des cancers” témoigne le Dr Michel Campano, membre de l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides (AMLP). “L’acétamipride a été retrouvé dans le cerveau en développement des enfants, dans le cordon ombilical, le lait maternel, chez les patients atteints d’hypofertilité. C’est le plus dangereux des néonicotinoïdes pour la santé humaine du fait de sa persistance”, explique-t-il.

C’est une alerte générale de la science” qui est lancée contre ce texte, ajoute le Dr Louis-Adrien Delarue, également membre de l’AMLP qui craint que cette loi ne soit “un pied dans la porte” pour permettre d’autres reculs en matière de santé environnementale. “Le cancer n’est plus une maladie, c’est une épidémie, en raison des usages massifs des pesticides”, témoigne également Fleur Breteau, 50 ans, à l’origine du collectif Cancer colère fondé il y a deux mois, alors qu’elle se bat contre son deuxième cancer du sein. “On incarne un système défaillant“, se désole-t-elle, rappelant que la France est déjà la championne du monde en la matière. “Nous appelons à un moratoire sur les pesticides“, réclame-t-elle.

“Le nouveau chlordécone”

Le gouvernement et l’arc allant jusqu’à l’extrême-droite défendent au contraire un texte “équilibré et apaisé, nécessaire pour l’agriculture et la souveraineté alimentaire”. “Cette loi ne constitue pas un recul environnemental. Sur les huit articles du texte final, sept ont été travaillés avec les parlementaires et avec le ministère chargé de la Transition écologique pour trouver une position équilibrée, a défendu la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. “Ce 8 juillet restera comme un moment charnière pour l’agriculture française. Aujourd’hui, l’ambition de souveraineté alimentaire sort enfin du discours pour entrer dans le droit”, s’est également réjoui Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.

L’acétamipride, c’est le nouveau chlordécone de l’Hexagone, tous nos travaux scientifiques sont enterrés par une telle loi” , a fustigé Aurélie Trouvé, députée LFI-NFP de Seine-Saint-Denis, présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Ecologistes et socialistes planchent sur des recours au Conseil constitutionnel, estimant que la loi contrevient aux principes de précaution et de non-régression environnementale. De leur côté, Laure Marivain et des parents d’enfants victimes des pesticides vont lancer une pétition auprès de l’Assemblée nationale pour appeler à l’interdiction des pesticides.

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