Bonne nouvelle pour la bio. En 2024, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique a enregistré une hausse de +0,8% en valeur des dépenses des ménages en un an, soit 12,2 milliards d’euros, d’après les données de l’Agence bio. Porté par les légumes (+9%), le vin (+8%) et les fruits (+3%), ce rebond s’est principalement manifesté au sein des magasins bio, des commerces de proximité et de la vente directe. Un retour en grâce qui s’illustre d’ailleurs dans les résultats des enseignes spécialisées.
Biocoop a ainsi généré un chiffre d’affaires historique l’année dernière, avec 1,65 milliards d’euros, tandis que ses concurrents affichent un bilan satisfaisant, en hausse de 8% pour la Vie Claire et de +4,7% pour Naturalia. En parallèle, le bio dans la grande distribution recule de 5,1%, note l’Agence bio. Une tendance continue depuis maintenant plusieurs années. Selon un récent rapport de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), les ventes de produits biologiques ont chuté de 12% chez les distributeurs généralistes entre 2020 et 2023. Et la stratégie menée par ces enseignes n’y est pas pour rien, estime l’organisation qui a analysé les engagements et actions en faveur du bio de huit d’entre eux.
110 000 hectares en moins
“Le bio est sorti de la feuille de route de la plupart des distributeurs ; plus aucun ne présente d’objectif chiffré en matière d’agriculture biologique”, observe la FNH. En rayon, l’offre est en baisse, tandis que les prix restent entre 60% et 70% supérieurs aux produits conventionnels. La part de l’alimentation biologique dans les achats des Français se stabilise néanmoins à 6%. Des “signes encourageants pour la filière” après “deux années difficiles”, souligne l’Agence bio dans un communiqué.
Mais si la consommation reprend des couleurs, la production fait quant à elle quelque peu grise mine. Pour la seconde année consécutive, les surfaces cultivées en bio fléchissent : au total sur cette période, environ 110 000 hectares ont disparu. Bien loin de l’objectif de la loi d’orientation agricole, votée en février dernier, qui fixe à 21% la part des surfaces bio d’ici 2030. Ces dernières “ne représentent plus que 10,1% des surfaces totales, contre 10,3% en 2023”, résume auprès de l’Humanité Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio. “Ce sont principalement les grandes cultures qui régressent”, précise-t-elle.
Baisse des aides
L’agriculture biologique fait aussi face depuis plusieurs mois à un désengagement politique et financier. Dernier recul en date, la réaffectation par le ministère de l’Agriculture d’une partie des crédits de la Politique agricole commune (PAC) européenne, dédiée à la conversion de surfaces en bio. Une enveloppe qui n’a pas été consommée en totalité en 2023, puis 2024, suite au ralentissement du secteur. Le 1er juillet dernier, la ministre de l’Agriculture a indiqué qu’une partie de ce reliquat sera finalement attribué à d’autres modèles agricoles.
“Il ne faut pas oublier qu’entre 2015 et 2023 les agriculteurs bio ont perdu plus de la moitié de leurs aides environnementales. Une partie de cet argent a été sanctuarisé vers la conversion sans se préoccuper de la stabilisation des fermes converties à l’agriculture biologique. L’erreur serait d’utiliser ce budget bio à d’autres fins que celui de soutenir et développer l’agriculture biologique”, prévenait pourtant Loïc Madeline, co-président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) début juin. “Le message est clair, on veut faire disparaître la bio de la PAC”, résume-t-il dans un communiqué en réaction à la décision du ministère.
Au final, seul 1% du budget de la PAC pourrait ainsi être consacré aux exploitations bio d’ici 2028, redoute la FNAB. A cela s’ajoute la réduction du fonds “Avenir bio” visant à accompagner le développement des filières biologiques, ou encore les coupes dans le budget communication 2025 de l’Agence bio, dont l’avenir était encore en suspens il y a quelques mois. “Nous allons de reculade en reculade, constate Philippe Henry, membre du conseil d’administration de l’Agence bio, interrogé par Le Monde. Quand nous pesions de 2% à 3%, nous ne gênions personne. Quand vous atteignez 10 %, certains ont intérêt à ce que le développement n’aille pas trop vite”.