Coup de chaud sur le marché du cacao. Ces derniers mois, les prix du cacao sur les marchés des matières premières ont explosé, battant des records absolus en dépassant les 7 000 dollars la tonne à la bourse de New York. Début 2023, les prix tournaient autour de 2 500 dollars la tonne, soit une multiplication par trois ou presque en moins d’un an.
Derrière cette hausse, on peut lire la conjonction de plusieurs facteurs, dont notamment la crise écologique, qui affecte les récoltes dans les pays producteurs, et la spéculation, liée aux structures de ce marché particulier qu’est le cacao.
Prix du cacao : “C’est la pluie qui a affecté les récoltes”
C’est en Côte d’Ivoire et au Ghana, qui représentent à eux deux près de 70% de la production mondiale, que l’on trouve les racines de cette flambée des prix. En 2023, frappés par des conditions climatiques exceptionnelles et des pluies torrentielles, ces deux pays voient leur production baisser fortement. Christian Cilas, chercheur au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) sur les cultures pérennes tropicales, dont le cacao fait partie, explique : “Contrairement à ce qu’on lit beaucoup, ce n’est pas la sécheresse mais la pluie qui a affecté les récoltes. En 2023, pendant les périodes de fructification, le climat a été très humide, ce qui a provoqué une hausse des pourritures brunes des cabosses, un pseudo-champignon Phytophthora, qui a beaucoup fait baisser les rendements. Les niveaux de pluies ont été assez exceptionnels, je n’ai pas le souvenir qu’on ait connu ça dans le passé.” Des pluies diluviennes qui ont probablement été amplifiées par le réchauffement climatique, et par El Niño, comme ce fut le cas des pluies et inondations qui avaient déjà frappé l’Afrique de l’Ouest en 2022.
Résultat, les récoltes ont baissé de près de 35%, créant un excès de demande sur les marchés mondiaux. Tout au long de l’année, les prix ont donc augmenté pour atteindre un record historique en février 2024. En Côte d’Ivoire, les volumes mis sur le marché ces derniers mois suffisent à peine à couvrir les contrats signés début 2023. “On s’attend à ce que le marché reste haut toute l’année, et que les prix restent énormes”, analyse Christophe Eberhart, co-fondateur de la SCOP (Société coopérative et participative) Ethiquable, qui produit du chocolat bio issu du commerce équitable. D’autant que la hausse des prix est amplifiée et prolongée par les mécanismes spéculatifs à l’œuvre sur les marchés de Londres et de New-York.
Une hausse durable des prix du cacao ?
A l’avenir, la crise conjoncturelle que traverse le marché pourrait être amenée à se reproduire. “La crise climatique aggrave les variations climatiques dans les zones tropicales où est produit le cacao“, analyse Christian Cilas, qui ajoute : “cela affecte fortement le calendrier des opérations agricoles, qui est maintenant régulièrement perturbé et le coût de production finit par s’en ressentir“. Et pour éviter les maladies et parasites qui se développent dans ces conditions climatiques changeantes, il n’existe malheureusement pas de solution miracle. “On peut effectuer des récoltes sanitaires régulières, c’est-à-dire prélever plus régulièrement les cabosses, pour éviter que les parasites se développent et se diffusent, mais c’est très coûteux en main d’œuvre”, ajoute le chercheur. Les prix vont-ils donc forcément continuer à monter ?
“Je ne suis pas devin, mais on a de bonnes raisons de penser que oui, entre les sécheresses, les plus irrégulières, etc.”, répond Christophe Eberhart. Les modes de production dominants actuellement, où le cacao est cultivé en plein soleil en monoculture intensive, commencent aussi à montrer leurs limites. S’ils permettent des productivités élevées à bas coût à court terme, ils appauvrissent les sols et dégradent les écosystèmes. Ils rendent aussi les cultures de cacao moins résilientes face aux aléas climatiques et aux maladies. Progressivement, tout cela pourrait contribuer à augmenter les coûts de production du cacao. Alors, quel prix pour nos tablettes à l’avenir ? “Le prix du cacao ne représente qu’une petite partie du coût d’une tablette. Mais dans tous les cas, il va falloir accepter de payer un peu plus cher notre chocolat, et de donner une plus grande part de la valeur ajoutée au producteur. C’est la seule solution si l’on veut assurer des modes de production stabilisés, fondés sur de l’agro-foresterie durable et résiliente“, conclut Christophe Eberhart.