Publié le 4 septembre 2025

La Commission européenne a validé mercredi 3 septembre l’accord commercial de libre-échange Mercosur, un texte controversé négocié depuis 25 ans, ouvrant la voie à sa ratification. De nombreuses voix s’élèvent pour s’y opposer.

Les agriculteurs et plusieurs associations seront de nouveau dans les rues de Bruxelles ce jeudi 4 septembre. Ils entendent protester contre l’adoption la veille de l’accord de libre-échange Mercosur, le plus grand accord commercial jamais conclu, qui doit permettre de lever les droits de douane entre l’UE et quatre pays d’Amérique latine (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). La Commission européenne a en effet donné son feu vert à ce texte controversé pour ses impacts économiques, environnementaux et sociaux, en discussion depuis 25 ans.

Pour rassurer les pays qui s’y opposaient, incluant la France, l’Italie ou encore la Pologne, Bruxelles entend donner des gages. La Commission promet ainsi de compléter l’accord par un acte juridique incluant des mesures de sauvegarde pour “les produits européens sensibles” notamment agricoles, et un filet de sécurité de plus de 6 milliards d’euros. Un suivi semestriel sera aussi assuré. “Si nous constatons une quelconque anomalie ou des perturbations sur les marchés d’un ou plusieurs Etats membres, nous prendrons immédiatement des mesures”, a promis Maroš Šefčovič, commissaire au commerce et à la sécurité économique, lors d’une conférence de presse.

“Abus de pouvoir scandaleux”

Des annonces immédiatement saluées par Paris. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas s’est ainsi réjouie que l’Union européenne “ait entendu les réserves” françaises, tout en précisant que le gouvernement a encore “besoin d’analyser cette clause de sauvegarde“. Mais ce n’est pas le cas du monde agricole qui craint une concurrence déloyale avec l’importation de produits qui ne seraient pas soumis aux même normes environnementales, sociales et sanitaires que celles appliquées au sein de l’UE. Le Copa-Cogeca, lobby des agriculteurs européens, a ainsi dénoncé “un passage en force politique” de la Commission, “profondément dommageable”. “Le combat se poursuit“, a également prévenu le premier syndicat agricole français, la FNSEA, en appelant au chef de l’Etat Emmanuel Macron.

Les ONG environnementales sont elles aussi vent debout. Au-delà des impacts environnementaux et sociaux, elles dénoncent le choix de la Commission européenne de scinder le texte en deux volets, d’un côté le volet commercial – le texte approuvé le 3 septembre – et de l’autre le volet politique. Cela a pour conséquences d’empêcher les Etats membres d’opposer leur veto et de contourner le vote des parlements nationaux. “En scindant l’accord, la Commission tente de faire entrer l’accord UE-Mercosur par la porte de derrière. Cela (…) constitue un abus de pouvoir scandaleux”, réagit Audrey Changoe, de Climate Action Network Europe.

Si cet accord est validé par le Conseil (à la majorité qualifiée) et par le Parlement européen, il entrera en vigueur et ne pourra être remis en cause par la suite en cas d’éventuel rejet de la ratification dans un Etat membre”, précise également Mathilde Dupré, co-directrice de l’institut Veblen. “Cela est contraire au mandat de négociation qui avait été donné par les Etats membres à la Commission au sein du Conseil en 2018“, ajoute-t-elle.

“La souveraineté européenne en danger”

Autre motif d’inquiétude : le mécanisme de rééquilibrage, poussé par les pays du Mercosur, et introduit pour la première fois dans un accord commercial. “Il permettra à un pays du Mercosur de demander des compensations si une disposition législative européenne a comme conséquences de réduire les flux commerciaux avec l’UE”, s’inquiète l’eurodéputé Renew Pascal Canfin. Ce sera ainsi le cas avec les clauses-miroirs dans l’agriculture, qui visent à interdire l’utilisation de pesticides interdits dans l’UE dans les importations agricoles ou encore du règlement anti-déforestation qui prévoit d’interdire l’importation de produits ayant contribué à la déforestation. “De quoi réduire potentiellement la souveraineté européenne”, se désole le centriste.

Au sein d’une initiative transpartisane au sein du Parlement européen, il annonce la possibilité de saisir la Cour de justice de l’UE (CJUE) afin d’examiner la compatibilité de cet accord commercial avec les traités européens. “Ces derniers sont clairs : l’UE ne peut pas signer de textes juridiquement contraignants qui diminueraient la protection de l’environnement”, poursuit Pascal Canfin. Une saisine va être déposée en plénière au Parlement européen en octobre. En cas de majorité, la procédure de ratification du Mercosur serait suspendue dans l’attente des conclusions de la Cour.

Le message qui est ici envoyé au monde agricole et à tous ceux qui agissent pour préserver la biodiversité et lutter contre le changement climatique est que le commerce prime sur tous les autres engagements européens”, résume auprès de Novethic Maxime Combes, économiste à l’Aitec. “Cela aura pour conséquences d’accroître la colère et l’exaspération et de tirer vers le bas les règlementations environnementales et sociales à l’instar de ce qui est fait avec le devoir de vigilance, la CSRD dans le cadre du paquet omnibus“, ajoute-t-il.

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