Publié le 18 juillet 2025

Les projets d’usines de recyclage de batteries se sont multipliés ces dernières années, favorisés par la réglementation européenne qui entend créer une filière locale d’approvisionnement de métaux de transition. Mais alors que le marché de la voiture électrique patine, les recycleurs n’ont pas encore beaucoup de batteries en fin de vie à retraiter et certains projets sont suspendus. C’est le deuxième épisode de notre série consacrée au recyclage des outils de la transition.

Suez, Veolia, Eramet, Orano, Derichbourg… Les projets de sites de recyclage de batteries se sont multipliés ces dernières années, les grandes sociétés étant attirées par un marché juteux en devenir. Sur le papier, cette filière en devenir a tout pour être attirante. La réglementation européenne pousse les constructeurs automobiles à passer au tout électrique à partir de 2035 et à intégrer dans les batteries une part de matière recyclée. Le règlement européen de 2023 prévoit ainsi que 50% du lithium et 90% du cobalt et du nickel contenu dans les batteries devront pouvoir être recyclés à partir de 2027. Les nouvelles batteries devront quant à elles contenir jusqu’à 6% de lithium et de nickel recyclé ou encore 16% de cobalt recyclé à partir de 2031.

L’Europe est en effet entièrement dépendante des importations de ces métaux rares, dont l’extraction est en grande partie entre les mains de la Chine. Le recyclage se présente comme la solution pour préserver en partie la souveraineté du Continent et assurer l’approvisionnement de sa filière naissante de production de batteries. Une étude de décembre 2024 par l’ONG Transport et environnement révélait ainsi que le recyclage des métaux rares en Europe pourrait éviter la construction de 12 nouvelles mines dans le monde d’ici 2040, et éviter les impacts considérables sur la nature et l’environnement. “Si l’Europe réalise tous ses projets de recyclage, elle pourra considérablement réduire sa dépendance vis-à-vis des métaux critiques importés, souligne Marie Chéron, responsable des politiques véhicules de l’ONG. Ce sont en effet des millions de véhicules dont les batteries seraient fabriquées à partir de ces métaux récupérés.

Manque de batteries à recycler

De quoi ouvrir de belles perspectives pour les recycleurs. Selon une étude du BCG, le marché du recyclage des batteries pourrait engranger des profits de près de 500 millions de dollars en Europe d’ici 2030, pour la seule étape du raffinage des matériaux. Alors même que le marché des matières recyclées ne devrait véritablement décoller qu’autour de 2035, le temps que les premières voitures électriques arrivent en fin de vie.

Voiture électrique : les automobilistes attendent le feu vert

C’est là le hic. Les grandes entreprises se sont lancées à corps perdu dans la filière, avant de buter sur le manque de batteries à recycler. Eramet a ainsi suspendu fin 2024 sa participation au projet d’usine avec Suez près de Dunkerque, en raison du démarrage trop lent du marché des voitures électriques. Même chose pour le Canadien Li-Cycle qui a annoncé en avril dernier arrêter son projet d’usine de recyclage à Harnes dans le Pas-de-Calais. En attendant, les autres patientent, en se faisant la main sur le recyclage des rebus d’usines de batteries. “Nous sommes encore sur la phase d’usage des batteries, puisqu’à ce stade il n’y a pas encore un volume suffisant de batteries qui arrive en fin de vie. La bonne nouvelle étant qu’elles durent plus longtemps qu’on ne le pensait“, constate un porte-parole de The Future is Neutral.

Contactée par Novethic, la filiale créée par Renault dédiée à l’économie circulaire explique qu’en attendant les premières batteries en fin de vie, “nous assurons l’optimisation de leur cycle à travers des opérations de réparation ou bien, en fonction de leur état de santé, lorsqu’elles ne sont plus assez performantes pour l’usage automobile, nous assurons le reconditionnement pour une deuxième vie hors automobile“. D’autres se lancent en visant le long terme pour leur point d’équilibre et en mettant à profit les premières années pour affiner leurs process industriels.

Des technologies concurrentes

La société lyonnaise Mecaware, créée en 2020, a ainsi annoncé la création de son premier site de pré-industrialisation à Béthune en avril dernier. Il commencera à produire début 2026 et permettra de “retraiter 50 tonnes par an pour tester, se mettre à niveau, vérifier les performances et affiner les process“, explique Arnaud Villers d’Arbouet, cofondateur et président de l’entreprise. Le dirigeant prévoit de passer à la véritable phase d’industrialisation d’ici 2029.

Sa technologie de recyclage, différente de celles de la plupart de ses concurrents, devrait faire la différence, estime-t-il. La “black mass” ou matière noire, obtenue après la décharge et le broyage des batteries, est généralement raffinée par hydrométallurgie, c’est-à-dire que des solvants y sont ajoutés en phases successives afin de récupérer les éléments précieux (nickel, lithium, cobalt, etc.). A la clé, de fortes quantités d’effluents qu’il faut ensuite retraiter. Mecaware, de son côté, a obtenu plusieurs licences pour un procédé d’hydrométallurgie sans acides, mais qui permet de précipiter les métaux rares en y ajoutant des amines et des molécules de CO2. “Il n’y a pas ou très peu d’effluents, assure Arnaud Villers d’Arbouet. C’est un business model très différent, avec un point d’équilibre plus bas et des sites plus compacts.

Reste à tenir bon jusqu’à la massification des flux de batteries à recycler. D’autant qu’à cette attente, s’ajoute une nouvelle incertitude pour les recycleurs. Les constructeurs automobiles européens, qui misaient jusqu’à il y a quelques mois sur la technologie de batteries NMC (Nickel-manganèse-cobalt), ont commencé à s’orienter vers les batteries LMP (Lithium-fer-phosphate). Beaucoup moins chères, ces dernières doivent faciliter la démocratisation de la voiture électrique. Mais elles imposent aux recycleurs de revoir leurs procédés industriels…

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