Fin des programmes de diversité au sein du gouvernement fédéral, restriction des aides publiques consacrées aux soins de transition, exclusion des personnes transgenres du sport féminin ou des forces armées… Depuis l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, les attaques contre les droits des personnes trans se multiplient outre-Atlantique. Rien que pour l’année 2025, plus de 100 projets de loi en ce sens auraient été adoptés dans le pays.
Des textes proposés ou soutenus par une galaxie d’organismes conservateurs, qui noueraient d’importants liens avec le secteur des énergies fossiles selon une analyse menée par trois chercheurs indépendants. Dévoilées par les médias américains Atmos et Heated, les données portant sur quarante-cinq organisations militant notamment contre les droits des personnes transgenres démontrent que 80% d’entre elles ont perçu des financements provenant d’entreprises de l’industrie pétrolière et gazière.
Shell et ExxonMobil pointés du doigt
Parmi les sociétés mentionnées par les chercheurs, on retrouve ainsi la compagnie britannique Shell, qui au travers de sa fondation Shell USA Company, a versé entre 2013 et 2022 plus de 58 000 dollars à l’Alliance defending freedom (AFD). Considéré comme l’un des groupes de défense juridique chrétiens les plus organisés des Etats-Unis, l’AFD est connue pour son opposition aux droits des personnes LGBTQIA+. Elle est par exemple à l’origine de propositions de loi obligeant les personnes transgenres à utiliser les toilettes du sexe qui leur a été assigné à la naissance.
Mais Shell, qui assure pourtant ne “soutenir aucune organisation”, n’est pas le seul soutien de l’AFD. L’organisation a également pu bénéficier de financements de la part de la fondation Anschutz Family, propriété de l’homme d’affaires Philip Anschutz qui a construit sa fortune dans le pétrole et le divertissement. Entre 2011 et 2013, le milliardaire a fait don de 110 000 dollars au groupe de défense juridique, mais aussi 50 000 dollars à la National Christian Foundation et 30 000 dollars à la Family Research Council, toutes pointées du doigt pour leur rôle dans le lobbying anti-trans. Au total, la fondation Anschutz Family serait associée à une dizaine d’organisations.
Et l’analyse ne s’arrête pas là. Le géant des hydrocarbures ExxonMobil, le groupe minier Murray Energy ou encore les frères Koch, à la tête de la multinationale Koch Industries, spécialiste du génie pétrolier, apparaissent également dans la liste des entreprises concernées. Si l’étude ne permet pas de connaître la part des dons issus du secteur pétrolier et gazier sur le financement total de ces groupes, elle souligne les liens entre le lobbying contre les politiques climatiques et les droits des minorités de genre.
“Détourner l’attention”
“L’industrie des combustibles fossiles a un réel intérêt à financer la panique suscitée par les personnes transgenres : elle détourne l’attention du public des risques bien réels et permanents que le changement climatique crée”, estime Vivian Taylor, experte en politique climatique et co-auteure de l’étude, interrogée par Atmos. Cette analyse vient en outre corroborer une enquête publiée mi-2024 par le Guardian et DeSmog, affirmant que la fondation Shell soutient financièrement 21 organisations “s’opposant agressivement aux changements culturels et économiques progressistes”, dont “la lutte contre la crise climatique”.
Une stratégie d’autant plus dangereuse que les personnes transgenres figurent parmi les premières victimes du changement climatique. En freinant l’action climatique et en réduisant les droits des minorités de genre, l’industrie fossile fragilise ainsi fortement ces populations. “Lorsqu’un événement extrême survient, des personnes LGBTQIA+ peuvent se voir refuser l’accès aux lieux de mise à l’abri ou à différentes aides du fait de leur identité de genre”, explique par exemple l’association Notre Affaire à Tous dans Impacts, une publication dédiée aux inégalités climatiques. Ce fut notamment le cas en 2020 lors du tremblement de terre à Haïti ou en 2005, suite à l’ouragan Katrina, où les personnes transgenres ont été victimes de discriminations et de violences.