Publié le 11 mai 2025

Une nouvelle étude publiée cette semaine vient pointer la responsabilité historique des plus riches dans le changement climatique. Selon ses conclusions, les 10% les plus riches de la planète sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique depuis 1990. Et en attendant, le thermomètre est resté au-dessus du seuil de +1,5°C depuis deux ans.

Les 10% des personnes les plus riches de la planète sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique depuis 1990, selon une étude quantifiant pour la première fois l’impact de la concentration des richesses privées sur les événements climatiques extrêmes. A l’inverse, les 50% les plus pauvres ne représentaient qu’un dixième des émissions mondiales. “Nous établissons un lien direct entre l’empreinte carbone des individus les plus riches et les impacts climatiques”, a déclaré à l’AFP Sarah Schongart de l’université de Zurich, autrice principale de cette étude publiée mercredi 7 mai dans Nature Climate Change. “On passe ainsi de la comptabilité des émissions carbone à la responsabilité climatique“, a-t-elle ajouté.

Concernant les événements extrêmes, les 10% les plus riches – au moins 42 980 €/an –  ont contribué 7 fois plus que la moyenne à l’augmentation des extrêmes de chaleur mensuels centennaux à l’échelle mondiale et 6 fois plus aux sécheresses en Amazonie. Les émissions des 10% des personnes les plus riches en Chine et aux États-Unis, qui représentent à eux seuls près de la moitié de la pollution mondiale liée au carbone, ont chacune multiplié par deux ou trois les extrêmes de chaleur, indique l’étude. Et par rapport à la moyenne mondiale, 1% des plus fortunés ont contribué 26 fois plus aux vagues de chaleur centennales, et 17 fois plus aux sécheresses en Amazonie.

“Responsabilités démesurées des plus riches”

Pour arriver à ces conclusions, Sarah Schongart et ses collègues ont combiné des données économiques et des simulations climatiques pour retracer les émissions des différents groupes de revenus mondiaux et évaluer leur impact sur des types spécifiques de phénomènes météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique. Les chercheurs ont également mis en évidence le rôle important des investissements financiers dans les émissions de gaz à effet de serre, et pas seulement la corrélation avec le mode de vie ou la consommation personnelle des personnes les plus riches.

“Une action climatique qui ne prendrait pas en compte les responsabilités démesurées des plus riches risque de passer à côté de l’un des leviers les plus puissants dont nous disposons pour réduire les dommages futurs”, estime Carl-Friedrich Schleussner, directeur du Groupe de recherche intégré sur les impacts climatiques à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués, près de Vienne. Les détenteurs de capitaux, a-t-il noté, pourraient rendre des comptes de leurs impacts climatiques par le biais d’impôts progressifs sur la fortune et les investissements favorisant les émissions carbone.

Des recherches antérieures ont montré que la taxation des émissions liées aux actifs est plus équitable que les taxes carbone appliquées à l’ensemble de la population, qui ont tendance à peser sur les plus faibles revenus. L’année dernière, le Brésil avait plaidé en faveur d’une taxe de 2% sur le patrimoine net des particuliers détenant plus d’un milliard de dollars d’actifs. Bien que les dirigeants du G20 aient convenu de “coopérer pour garantir une imposition efficace des personnes fortunées”, les récentes initiatives sur cette question sont pour la plupart au point mort, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

Avril 2025, 2e le plus chaud de l’Histoire

Et en attendant, le thermomètre continue de s’affoler. Selon un nouveau relevé de l’observatoire européen Copernicus, qui se fonde sur des milliards de mesures issues de satellites, stations météo et autres outils, au niveau mondial, avril 2025 se classe deuxième plus chaud derrière avril 2024. Et depuis juillet 2023, à une exception près, tous les mois ont été au moins 1,5°C plus chauds que la moyenne de l’ère préindustrielle (1850-1900). De nombreux scientifiques s’attendaient pourtant à ce que la période 2023/2024 – les deux années les plus chaudes jamais mesurées dans le monde – soit suivie d’un répit, lorsque les conditions plus chaudes du phénomène El Nino s’estomperaient.

Une des explications repose sur le fait que le phénomène La Nina, inverse d’El Nino et synonyme d’influence rafraîchissante, n’est finalement que de “faible intensité” depuis décembre, selon l’Organisation météorologique mondiale, et pourrait déjà décliner dans les prochains mois. “Avec 2025, cela aurait dû se tasser, mais au lieu de cela, nous restons dans cette phase de réchauffement accéléré”, a déclaré Johan Rockström, directeur en Allemagne de l’Institut de Potsdam sur l’impact du climat. “Il semble que nous y soyons coincés” et “ce qui l’explique n’est pas entièrement résolu, mais c’est un signe très inquiétant”, a-t-il déclaré à l’AFP. Les deux dernières années “ont été exceptionnelles” et se situent “dans le haut de la fourchette” des prévisions, confirme à l’AFP Samantha Burgess, du centre européen qui opère Copernicus. “La réalité est que nous allons dépasser 1,5°C”, ajoute-t-elle.

Le seuil de 1,5°C de réchauffement, le plus ambitieux de l’accord de Paris, est sur le point d’être atteint de façon stabilisée, calculée sur plusieurs décennies, estime nombre de scientifiques. Copernicus pense que cela pourra être le cas d’ici 2029. “Au rythme actuel, le 1,5°C sera battu avant 2030”, estime aussi Julien Cattiaux, climatologue du CNRS joint par l’AFP. “On dit que chaque dixième de degré compte“, car il multiplie les sécheresses, canicules et autres catastrophes météorologiques “mais actuellement, ils défilent vite“, s’alarme le scientifique.

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