La taxation des ultra-riches : c’est le sujet qui monte depuis quelques mois déjà dans les grandes instances du G20, et qui vient de franchir une étape historique. Un accord vient en effet d’être trouvé par les ministres des finances du G20, qui rassemble les économies mondiales les plus puissantes, pour engager une coopération globale afin de renforcer la fiscalité sur les milliardaires. Poussée par la présidence brésilienne du G20, l’idée de taxer les ultra-riches constituerait une petite révolution pour les économies mondiales, qui permettrait entre autres de financer la transition écologique et sociale et d’améliorer la justice fiscale dans le monde.
Les ministres des finances du G20 se sont ainsi engagés à “coopérer pour faire en sorte que les personnes très fortunées soient effectivement imposées” grâce à des “politiques fiscales efficaces, équitables et progressives,” constatant que “les inégalités de richesse et de revenu compromettent la croissance économique et la cohésion sociale et aggravent les vulnérabilités sociales”. “C’est la première fois de l’histoire du G20 que les pays s’accordent sur la nécessité de mieux taxer les ultras-riches,” explique Quentin Parrinello, consultant senior à l’Observatoire Européen de la Fiscalité, l’organisme chargé par le Brésil d’étudier les possibles leviers d’une meilleure taxation des ultra-riches.
Une avancée majeure pour la justice fiscale
La décision a été saluée par le Fonds Monétaire International (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et par plusieurs économistes de premier plan, dont Joseph Stiglitz. Elle est même qualifiée d’“historique” par l’association environnementale 350.org, pour qui elle “reflète l’élan croissant et le soutien de l’opinion publique en faveur d’une taxe mondiale sur les milliardaires afin de lutter contre la pauvreté et la crise climatique.”
Il faut dire que les systèmes fiscaux mondiaux permettent bien souvent aux plus riches d’échapper à l’impôt, notamment grâce à des systèmes de niches, d’optimisation et de délocalisation fiscales. C’est ce que démontre par exemple l’Institut des Politiques Publiques en France, qui révélait en 2023 que les milliardaires et les personnes situées tout en haut de l’échelle des revenus étaient proportionnellement moins taxées que le reste de la population.
Alors que la question de l’équilibre budgétaire a été remise sur le devant de la scène ces derniers mois, la nécessité de corriger cette “régressivité de l’impôt” pour les plus riches apparaît de plus en plus évidente.“Une fiscalité juste et progressive est essentielle pour renforcer la capacité des pays à faire face et à gérer les inégalités, le changement climatique et les nombreuses autres priorités visant à améliorer le bien-être des populations”, explique notamment le Climate Action Network.
Des débats sur les leviers d’action
Malgré cet accord de principe, les débats persistent toutefois entre les Etats du G20 sur les leviers à mobiliser pour engager cette transformation fiscale. Si certains pays, comme la France, l’Espagne, le Brésil ou encore les Etats de l’Union africaine ont affiché leur soutien à l’idée d’une taxe minimale sur les ultra-riches, sur le modèle de celle entrée en vigueur dans plus de 140 pays en début d’année, certains sont au contraire réticents. Les Etats-Unis, ou encore l’Allemagne, refusent par exemple pour l’instant de négocier collectivement un cadre fiscal mondial. Instaurer un impôt minimal de 2% pour les 3 000 contribuables les plus riches à l’échelle internationale aurait pourtant le potentiel de rapporter près de 235 milliards d’euros par an aux économies mondiales, selon le rapport présenté au G20 par l’Observatoire Européen de la Fiscalité.
Les négociations continuent donc sur le sujet, et pour l’heure, le G20 se contentera donc de renforcer les mécanismes de coopération et de transparence fiscale, en espérant lutter contre les pratiques d’évasion et d’optimisation trop agressives des plus riches. Des moyens qui seront “probablement insuffisants pour mettre fin aux taux d’imposition dérisoires des ultras-riches”, comme l’explique Quentin Parrinello. Mais “ce n’est que le début de la conversation” pour l’expert, qui espère bien que la taxe sur les milliardaires suivra le chemin de celle sur les multinationales et sera finalement adoptée au niveau international. Et le temps presse : ces dix dernières années, les 1% les plus riches auraient ainsi accumulé plus de 40 000 milliards de dollars de revenus supplémentaires selon les dernières estimations de l’association Oxfam, soit l’équivalent du PIB des Etats-Unis et de l’Union Européenne combinés. Une somme dont une grande partie aura échappé à l’impôt.