Elle était très attendue des acteurs de la filière de l’hydrogène en France. La mise à jour de la stratégie nationale de l’hydrogène, qui doit donner un cap sur la production et la consommation de ce gaz industriel, devait être annoncée il y a déjà près d’un an. La succession de gouvernement et la difficulté à construire un budget pour l’année 2025 ont cependant poussé le ministère de l’Energie à retarder sa présentation. C’est donc ce mercredi 16 avril que le gouvernement a choisi de réactualiser sa feuille de route… en revoyant ses objectifs à la baisse.
La production d’hydrogène bas carbone, c’est-à-dire qui est produit à partir d’eau et d’électricité bas carbone ou avec un dispositif de capture et stockage du CO2, devrait ainsi viser jusqu’à 4,5 gigawatts (GW) d’ici à 2030 et 8 GW en 2035, au lieu des 6,5 GW et 10 GW prévus initialement. Le gouvernement explique le recul de ces ambitions par un “décalage prévisible du marché et du temps de développement technologique encore nécessaire“. “Le développement est en effet moins rapide que prévu sans doute pour des raisons techniques, mais aussi du fait de l’augmentation du prix de l’électricité depuis la guerre en Ukraine“, explique une porte-parole du ministère de l’Industrie et de l’énergie.
Le marché peine à décoller
L’hydrogène bas carbone demeure en effet très en retard et ne représente aujourd’hui que 1% de la production d’hydrogène mondiale. Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) d’octobre 2024 pointe que la production d’hydrogène vert ne progresse pas aussi vite que la production d’hydrogène dit gris, c’est-à-dire à partir de combustible fossile. Toujours selon l’AIE, seuls 4% des projets de production d’hydrogène bas carbone en Europe étaient certains d’aboutir en 2030. Le verdissement de cette énergie est pourtant crucial pour permettre à certains secteurs très carbo-intensifs, comme la production d’acier ou encore le secteur de l’aviation, de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Mais le coût demeure un répulsif pour bon nombre d’entreprises, l’hydrogène vert étant encore plus de deux fois plus cher à l’achat que le gris, selon une étude récente réalisée par Novethic. La demande pour l’hydrogène vert reste atone et des projets sont même abandonnés, faute de modèle économique. Airbus a ainsi annoncé en début d’année mettre en pause ses projets d’avion à hydrogène, initialement prévus pour 2035. L’industriel pointait notamment les difficultés d’approvisionnement en hydrogène vert.
Outre le prix de l’électricité mentionné par le ministère, c’est le passage à l’échelle de la production d’électrolyseurs, permettant de produire de l’hydrogène vert par électrolyse de l’eau, qui doit permettre à terme de réduire les coûts. Illustration des difficultés rencontrées par la filière, le Français McPhy a ouvert une procédure de conciliation en vue de sa cession à un repreneur. Il avait inauguré en juin 2024 une usine de production d’électrolyseurs près de Belfort. Mais face à un marché atone et malgré un soutien public de 114 millions d’euros, il n’a aujourd’hui plus la trésorerie suffisante pour poursuivre seul ses activités.
9 milliards d’euros pour soutenir la filière
La stratégie française vise à la fois à soutenir la production d’électrolyseurs et la demande d’hydrogène vert par les filières industrielles. La mise à jour de la feuille de route française se veut aussi plus réaliste, en se concentrant sur les débouchés les plus porteurs tels que l’industrie lourde et le transport maritime et aérien. Une enveloppe de 9 milliards d’euros d’ici à 2030 sera débloquée progressivement pour tenter de construire cette filière. Un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène vert, annoncé fin 2024, devrait ainsi être lancé dans le courant de l’année, pour un montant de 4 milliards d’euros. Il permettra “de soutenir le différentiel de prix entre l’hydrogène vert et l’hydrogène gris“, explique l’entourage de Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie et de l’énergie.
Le gouvernement va également lancer plusieurs appels à projet assortis d’aides financières, notamment pour soutenir l’achat de véhicules utilitaires à hydrogène, ou encore pour développer des briques technologiques spécifiques. Des mesures de soutien pour les projets de carburants de synthèse à destination des secteurs de l’aviation et du maritime seront également annoncées dans les prochaines semaines. Marc Ferracci doit annoncer lors d’un déplacement dans le Doubs et le territoire de Belfort le 17 avril des aides importantes, notamment celle pour l’entreprise Gen-Hy, pour près de 100 millions d’euros qui contribueront à industrialiser des équipements pour les électrolyseurs.