Publié le 19 février 2025

Une page se tourne dans le secteur des télécommunications. Depuis le 31 janvier, Orange a commencé à débrancher certaines communes de l’ADSL, qui repose sur un réseau en cuivre. Ce chantier inédit vise à permettre à l’opérateur de récupérer une quantité non négligeable d'”or rouge” appelé à être recyclé.

Sous nos pavés se trouvent nos futures mines de cuivre. Orange l’a bien compris. L’opérateur de télécommunications, qui pendant des années a déployé sous nos pieds un réseau tentaculaire de câble en cuivre, a décidé, face au succès de la fibre optique, de le couper. Au total, un million de kilomètres de câbles, par lesquels ont transité nos appels téléphoniques et nos connexions Internet, s’apprêtent à être démontés. L’opération devrait s’étaler jusqu’en 2030.

Cette opération s’inscrit dans le cadre du plan très haut débit lancé en 2013, puis révisé en 2021 par le gouvernement. Ce dernier s’est engagé à ce que la fibre optique couvre l’ensemble du territoire français d’ici à 2025. Lorsque cet objectif sera atteint, le réseau cuivre n’aura plus de raison d’exister. “Cela n’a plus de sens d’entretenir ce réseau”, explique à Novethic Bénédicte Javelot, directrice des projets stratégiques et du développement chez Orange France. “Le réseau cuivre ne répond plus aux besoins des utilisateurs, tant du point de vue de la performance que de l’efficacité environnementale”, justifie Bénédicte Javelot. En effet, le passage de l’ADSL à la fibre réduit considérablement l’empreinte carbone des télécoms, car cette dernière technologie consomme plus de trois fois moins d’énergie qu’un accès à Internet par le cuivre, soit l’ADSL.

Un chantier colossal

La France n’est pas le premier pays à couper son vieux réseau télécom. D’autres pays, comme l’Espagne, l’Estonie, la Norvège ou encore la Suède, ont déjà commencé. Mais le chantier français est aujourd’hui le plus important jamais lancé en Europe, vu la superficie du pays et le nombre d’habitants. Selon Bénédicte Javelot, autant de câbles de cuivre vont être décommissionnés ces six prochaines années que lors des quinze dernières années. “Il est de notre devoir, en tant qu’opérateur responsable, de démonter ce réseau inactif, devenu d’une certaine manière un déchet”, insiste la directrice des projets stratégiques et du développement d’Orange France. Les câbles ainsi récupérés seront recyclés et valorisés.

Mais lorsque l’on interroge l’opérateur sur la quantité de cuivre qu’il espère récupérer, aucune fuite d’information. Cela restera “confidentiel”. Et pour cause : ce cuivre représente un véritable trésor, estimé en 2022 à plus de 8,8 milliards d’euros selon un article de La Tribune. Chiffre que l’opérateur ne confirme pas, le jugeant au contraire “excessivement élevé”. Il n’en reste pas moins que ces câbles sont extrêmement convoités. Pas une semaine ne passe sans qu’un vol de câble de cuivre ne soit signalé. Le 14 février dernier, près d’un kilomètre de câble du réseau d’Orange a été sectionné et dérobé dans la région de Nantes. “Ce chantier nécessite évidemment une organisation spécifique”, précise Bénédicte Javelot. Cela va de la mise en place de dispositifs de sécurisation et de détection de vol à la signature de conventions avec les forces de l’ordre.

Un défi pour la filière du recyclage

Or ces mines urbaines de cuivre sont une véritable aubaine, car la consommation de cuivre devrait doubler dans les prochaines années pour atteindre 40 000 tonnes par an, selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie. Or, les mines naturelles ne seront pas en mesure de suivre ce rythme et des pénuries  sont même à prévoir d’ici dix ans, d’après un récent rapport du cabinet Oliver Wyman. Ce dernier pointe donc la nécessité pour la France “de mieux exploiter” ses ressources secondaires. Et c’est là que le bât blesse. Car si la France est en mesure de collecter, trier et traiter le cuivre pour le transformer, le pays ne dispose pas de four pour le fondre, à l’exception de celui du fabricant de câbles Nexans à Lens, dont la capacité est aujourd’hui limitée à 33 600 tonnes de cuivre recyclé.

Selon la spécialiste des métaux Olga Kergaravat de l’Ademe, autrice de l'”Etude du potentiel d’amélioration du recyclage des métaux en France“, “le marché des déchets de cuivre en France est tourné vers l’étranger, et notamment vers les pays européens limitrophes”. En 2019, sur les 280 000 tonnes de déchets de cuivre recyclables collectées sur le territoire, 60% ont été exportées vers l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Espagne. Mais cela devrait changer dans les années à venir avec l’annonce d’une nouvelle fonderie par Nexans, en octobre 2024. Avec un investissement de plus de 90 millions d’euros, cette nouvelle ligne de production permettra d’accroître ses capacités de production et de recyclage d’ici à 2026, et ainsi pallier les risques de pénurie de cuivre qui planent sur les équipementiers électriques.

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