Publié le 12 février 2025

Avec l’essor des plateformes de e-commerce Shein et Temu, des millions de colis venus de Chine transitent chaque jour vers l’Europe. Une explosion que les autorités françaises et européennes cherchent à contenir face aux risques environnementaux, sanitaires et sociaux qu’elle entraîne.

Shein et Temu ont définitivement gagné le cœur des Français. Et leur porte-monnaie. En 2024, les deux géants du commerce électronique chinois se sont retrouvés en haut du podium des enseignes chez lesquelles les consommateurs ont largement augmenté leurs dépenses. En un an, ils ont respectivement déboursé 11% et 12% de plus chez Temu et Shein, d’après le cabinet spécialiste des tendances de consommation Circana.

Si ces données répondent selon Emily Mayer, directrice des études au sein de Circana, à “la forte tension sur le pouvoir d’achat et la quête de bas prix des Français pour continuer à consommer”, le marché hexagonal pourrait bien devenir de plus en plus difficile à conquérir pour ces entreprises. Régulièrement pointées du doigt pour leurs impacts sur la planète et les droits humains, Shein et Temu sont aujourd’hui dans le viseur des autorités, qui tentent d’endiguer la vague de produits bons marchés qu’elles font déferler sur la France et l’Europe.

Vers une taxation des colis de faible valeur

Près de 4,6 milliards de colis d’une valeur inférieure à 150 euros sont arrivés l’an passé sur le continent européen, soit 12 millions par jour rapporte la Commission européenne. Ce flot de marchandises, principalement alimenté par les enseignes de commerce électronique chinoises, a été multiplié par deux par rapport à 2023, et même par trois par rapport à 2022. Mais entre concurrence déloyale, empreinte environnementale et articles non conformes aux normes européennes, la hausse des envois depuis la Chine génère de nombreuses inquiétudes.

Pour y faire face, la Commission a appelé début février à la mise en place d’une série de mesures, à commencer par l’adoption rapide de la réforme douanière présentée en 2023. Cette dernière permettrait par exemple la suppression de l’exonération de frais de douane aujourd’hui appliquée aux paquets de faible valeur. Une taxe “pour le traitement des articles de commerce électronique importés dans l’UE” pourrait également voir le jour dans le but de couvrir l’explosion des coûts engendrés par le traitement de ces millions de colis par les services douaniers. Bruxelles prévoit enfin le “renforcement des capacités de contrôle”, l’usage de l’intelligence artificielle pour détecter les produits ne répondant pas à la législation ou encore le lancement de campagnes de sensibilisation à destination des consommateurs afin de les informer de leurs droits.

Les plateformes au cœur de plusieurs enquêtes

D’autre part, le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC) et la Commission européenne ont annoncé le 5 février dernier le lancement d’une enquête contre Shein. L’enseigne est soupçonnée de commercialiser des produits dangereux ne respectant pas les normes en vigueur dans l’UE. Dans le cas où des violations du droit sur la protection des consommateurs étaient avérées, les régulateurs nationaux pourraient infliger des amendes à la société.

“Nous saluons les efforts qui renforcent la confiance et la sécurité des consommateurs européens lorsqu’ils font des achats en ligne, et nous pensons que des conditions de concurrence équitables peuvent bénéficier à l’ensemble de l’écosystème”, répond Shein dans un communiqué. L’entreprise assure souhaiter “travailler en étroite collaboration avec le réseau CPC et la Commission pour répondre à toutes les préoccupations” et affirme avoir conduit “plus de deux millions de tests de sécurité” en 2024. Et elle n’est pas la seule enseigne concernée. Depuis quelques mois, les market-place AliExpress et Temu sont elles aussi ciblées par deux enquêtes similaires, dans le cadre du Digital Services Act (ACT), le règlement européen sur les services numériques.

Des procédures dont se “réjouit” la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin (FFPAPF). “L’implication politique est cruciale dans la régulation de l’ultra fast-fashion en France et en Europe. Une saisie du dossier au niveau européen doit accélérer la prise de décision des sénateurs français quant à l’adoption de la loi contre l’ultra fast fashion, estime Yann Rivoallan, président de la FFPAPF dans un communiqué. Car la France pourrait elle aussi mettre des bâtons dans les roues des géants chinois. Le 14 mars 2024, les députés ont adopté une loi visant à réduire les impacts environnementaux de la fast-fashion. En attente depuis dix mois, ce texte qui pourrait être “historique” n’a cependant toujours pas été mis à l’agenda du Sénat.

[Mise à jour du 14 février 2025 : annoncé pour le 26 mars 2025, le vote de la loi anti fast-fashion n’a finalement pas été mis à l’agenda du Sénat.]

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