Publié le 1 décembre 2024

Franchir les points de bascule écologiques aurait un coût économique gigantesque, selon plusieurs études scientifiques récentes. Des données qui rappellent l’urgence d’atténuer la crise écologique avant d’être face à des conséquences irréversibles en cascade.

Et si franchir les points de bascule écologiques multipliait encore le coût économique de la crise écologique ? C’est en tout cas ce que suggèrent de récents travaux de recherche sur le sujet, qui s’accumulent depuis quelques mois. Dernière en date : une étude publiée par npj Climate and Atmospheric Science dans la revue Nature montre que le coût des mesures pour limiter les conséquences de la fonte brutale de la calotte glaciaire (considérée comme un point de bascule) est quatre fois plus élevé que de tenter de limiter les dégâts avant le franchissement de ce point de bascule.

Pour bien comprendre, il faut revenir à ce concept de “tipping points”, soit “points de bascule”. Ces derniers désignent des seuils de dégradation écologiques à partir desquels des changements majeurs, rapides et en cascade ont lieu dans les écosystèmes. Par exemple, le réchauffement des pôles pourrait entraîner une fonte des calottes glaciaires, qui aurait des impacts majeurs en série : hausse du niveau de la mer, ralentissement des courants marins profonds, diminution des puits de carbone océaniques.

Points de bascule : prévenir plutôt que guérir

Les chercheurs de la npj Climate and Atmospheric Science se sont focalisés sur un des points de bascule, la fonte de la calotte glaciaire, mais c’est la nature même des points de bascule écologiques qui provoque une hausse rapide des coûts. Les conséquences écologiques en cascade liées aux points de bascule multiplient en effet considérablement les risques pour les écosystèmes et pour les activités qui en dépendent via les services écosystémiques, et rendent les mesures correctives beaucoup plus difficiles et coûteuses à mettre en place.

Le mathématicien Parvathi Kooloth, l’un des auteurs de l’étude, explique : une fois les seuils franchis “le degré d’intervention nécessaire pour ramener le système climatique à son niveau d’origine augmente considérablement. L’un des enseignements clés de ces travaux est la confirmation que les mesures correctives après coup sont beaucoup plus coûteuses et intrusives que les mesures préventives.”

A partir de leurs modélisations, les chercheurs montrent également que lorsque les points de bascule sont franchis, il est parfois extrêmement difficile, voire impossible de rétablir le fonctionnement normal des écosystèmes. “Imaginez que nous empruntions une trajectoire à fortes émissions, où la planète se réchauffe suffisamment pour faire fondre toute notre banquise d’ici la fin du siècle : si nous arrivons en 2100 sans banquise, même si nous ramenons nos émissions de gaz à effet de serre aux niveaux d’aujourd’hui, cela ne suffira pas à faire revenir la calotte glaciaire…”. 

Eviter les conséquences irréversibles en cascades

En mars dernier, un rapport de l’University College de Londres avait aussi tenté de faire l’état des lieux des risques économiques et financiers liés au franchissement de certains points de bascule écosystémiques, comme le dépérissement de la forêt amazonienne, les transitions de la couverture forestière boréale, l’effondrement des tourbières tropicales, la disparition des récifs coralliens en déserts marins ou et la disparition des mangroves. Leurs travaux montraient que par la perte de services écosystémiques et la hausse des risques physiques et des risques de transition, le franchissement de ces seuils pourraient créer une instabilité économique globale, qui pourrait se transformer en crise financière. Des données qui ne sont pas encore intégrées aux prévisions des grands acteurs économiques, comme le NGFS, le réseau des banques centrales mondiales, et qui montrent pourtant déjà des pertes potentielles allant jusqu’à 15% du PIB en 2050 rien qu’avec le réchauffement climatique.

Alors que la Terre est sur le point de franchir 5 points de bascule écologiques majeurs, les données scientifiques sur le sujet sont particulièrement inquiétantes. Une autre étude, publiée en 2021 par la London School of Economics montrait que le franchissement des points de bascule pouvait augmenter considérablement les coûts économiques liés aux dérèglements écologiques, de l’ordre de +25 à + 300%.

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