Publié le 5 novembre 2024

Après sept semaines de conflit et de grève, et 10 milliards de dollars de pertes, Boeing a cédé devant la pression syndicale. Une victoire historique, après deux décennies de culture de réduction des coûts qui avaient durement pesé sur les salariés américains.

Le conflit social opposant Boeing et les syndicats représentatifs des ouvriers de ses usines de Seattle aura duré près de sept semaines. Depuis mi-septembre, plus de 33 000 ouvriers de l’avionneur américain avaient cessé le travail à l’occasion de la renégociation de leur convention collective. Ils réclamaient des hausses de salaires de 40% sur les 36 prochains mois, après plusieurs années de stagnation salariale et d’inflation, ainsi que le rétablissement du régime de retraite de l’entreprise. Le constructeur américain a finalement cédé à l’essentiel des exigences des salariés, en leur accordant notamment une hausse de 38% de leur salaire pour les quatre prochaines années.

John Holden, président du syndicat IAM District 751, a ainsi salué une “victoire” qui permet de “commencer à rééquilibrer la balance” en faveur des travailleurs de Boeing et de la classe moyenne ouvrière. Kelly Ortberg, président directeur général de Boeing, nommé il y a quelques semaines, s’est quant à lui dit “heureux” de mettre fin au conflit social. La mise à l’arrêt de la production du groupe pendant près de deux mois aura coûté près de 10 milliards de dollars à l’entreprise, et contribué aux turbulences majeures que traverse Boeing depuis le début de l’année, entre scandales industriels, crise de sécurité, et conflits sociaux.

Une victoire syndicale majeure

Cela faisait plus de 15 ans que les ouvriers américains du groupe n’avaient pas organisé un tel mouvement social et obtenu de telles avancées en matière salariale. Outre l’augmentation des salaires, les syndicats ont également obtenu une prime de 12 000 dollars pour les ouvriers du groupe, et l’amélioration des garanties fournies par Boeing à ses salariés en matière d’assurance de santé et de plans de retraites. L’entreprise s’est également engagée à produire le prochain avion de Boeing dans les usines américaines du groupe dans l’Etat de Washington, une revendication de longue date des salariés américains. Brian Bryant président du syndical IAM District International, s’est d’ailleurs félicité de cette victoire syndicale, qui envoie selon lui “un message clair selon lequel les emplois dans l’aéronautique doivent être des emplois de classe moyenne, dans lesquelles les travailleurs peuvent s’épanouir” et bénéficier “du respect, des salaires et des avantages sociaux dont ils ont besoin et qu’ils méritent pour subvenir aux besoins de leur famille.

L’ampleur de la grève illustre d’ailleurs bien la profonde fracture qui s’est créée entre Boeing et ses salariés depuis deux décennies. Après sa fusion avec l’avionneur McDonnell Douglas au début des années 2000, Boeing avait opté pour un modèle de développement axé sur la maximisation des profits et la valeur financière, un management ultra-productiviste, des politiques de réductions massive des coûts et des délocalisations qui avaient créé des tensions internes très fortes. “Les travailleurs savent ce que c’est que d’être victime d’une entreprise qui va trop loin et qui prend plus que ce qui est juste” a d’ailleurs commenté John Holden au moment d’annoncer la fin de la grève. Une référence claire aux dérives du modèle financier de Boeing, à l’origine notamment de la dégradation de la culture de sécurité du groupe.

Vers une sortie de crise pour Boeing ?

Les pertes liées à la grève s’ajoutent aux pertes financières des quatre dernières années, qui s’élèveraient à près de 31 milliards de dollars selon l’AFP. Avec une dette de plus de 58 milliards de dollars, des retards de livraison qui s’accumulent, une culture industrielle, managériale et de sécurité à réinventer, le groupe aura fort à faire pour redresser la pente. “Il y a beaucoup de travail à accomplir pour retrouver l’excellence qui a fait de Boeing une entreprise emblématique”, a ainsi conclu le PDG, Kelly Ortberg à la suite de l’accord.

Dans un contexte économique tendu, ce conflit social illustre en tout cas la montée en puissance des syndicats américains, qui se montrent depuis quelques années de plus en plus offensifs, notamment dans les grandes entreprises industrielles. Tesla, Volkswagen, ou encore Starbucks ont ainsi également connu des mouvements syndicats historiques cette année, après les grèves qui avaient affecté les constructeurs automobiles l’an dernier. Il y a quelques semaines, les dockers des ports industriels de l’Est américain avaient également obtenu des hausses de salaires significatives. “Nous espérons inspirer d’autres travailleurs de notre secteur et d’ailleurs à continuer de défendre la justice au travail” s’est félicité John Holden.

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