Nouveau coup dur pour l’avionneur américain Boeing. Les ouvriers des usines de la côte ouest des Etats-Unis viennent en effet de voter une grève massive, qui débute dès ce vendredi 13 septembre. 30 000 ouvriers ont cessé le travail, mettant à l’arrêt la production des avions les plus vendus du groupe, et notamment le 737.
Les salariés, via le syndicat IAM District 751, réclamaient dans le cadre de la renégociation de la convention collective du groupe, une revalorisation des salaires d’au moins 40% répartie sur les trois prochaines années, après des années sans augmentation significative, ainsi que la mise en place d’un régime de retraite pour les ouvriers du groupe. Face à une direction qui ne leur proposait “que” 25% de hausse, 96% des salariés ont décidé de voter la grève.
70 millions de dollars de pertes par jour de grève pour Boeing
C’est la première grève lancée par les ouvriers de Boeing depuis 2008, et elle pourrait bien coûter très cher au géant américain. Selon les estimations de la banque TD Cowen, chaque jour de grève pourrait en effet engendrer jusqu’à 70 millions de dollars de pertes pour Boeing. Avec cette grève, le groupe paye encore une fois les conséquences de sa stratégie financière des 20 dernières années, qui a durablement dégradé sa santé industrielle et ses relations avec ses salariés. “Il s’agit de respect, de faire face au passé et de lutter pour notre avenir”, déclarait ainsi le représentant syndical Jon Holden au moment du vote, en référence aux deux dernières décennies de restrictions salariales, de délocalisations et d’externalisations menées par Boeing.
Depuis les années 2000, Boeing a en effet entamé une stratégie intensive de financiarisation et de réduction des coûts destinée à maximiser sa valeur actionnariale. Déjà en 2008, au moment des dernières grèves, c’était cette politique qui était contestée par les syndicats de machinistes. Mais, affaiblis par la crise financière, les salariés du groupe avaient dû concéder un accord avec la direction et reprendre le travail. La direction avait alors, en dépit de profits déjà records, imposé aux syndicats une stagnation salariale massive, plafonnée à 1% de hausse tous les deux ans, et avait mis fin au régime de retraite du groupe. Les syndicats comptaient bien obtenir cette fois des compensations après plus de 15 années difficiles.
Un groupe englué dans les scandales
Pour Kelly Ortberg, nouveau PDG du groupe nommé il y a quelques semaines à peine, la grève pourrait “mettre en péril” la relance du groupe, et “éroder encore davantage la confiance des clients” de Boeing, déjà englué dans les scandales. Après les crashs de deux de ses 737 Max en 2018 et 2019, qui avaient coûté la vie à près de 350 personnes, Boeing est à nouveau dans la tourmente cette année après que des défauts de sécurité ont été constatés sur plusieurs de ses avions depuis janvier. Portes arrachées, boulons mal serrés, trains d’atterrissages défectueux… Autant d’anomalies qui ont été décrites comme le résultat d’une culture de sécurité défaillante au sein du groupe et de ses fournisseurs, liée à la pression constante sur la réduction des coûts.
Boeing, qui a vu son cours de bourse baisser de plus de 35% depuis le début de l’année, est donc plus que jamais dans une situation difficile. Alors qu’en 2018 à peine, le groupe générait des profits records de près de 10 milliards de dollars, il affiche aujourd’hui des dettes de près de 60 milliards, et a annoncé une perte d’1,8 milliard de dollars de revenus durant les deux premiers trimestres 2024. Cette chute brutale d’un des fleurons de l’aviation mondiale illustre bien les conséquences négatives de la financiarisation à outrance des grands groupes américains. Une financiarisation désormais de plus en plus contestée aux Etats-Unis, le pays connaissant d’ailleurs un renouveau des mouvements syndicaux depuis quelques années, alors que la précarité des travailleurs ne cesse d’augmenter.