Publié le 24 avril 2024

Près des trois quarts des travailleurs d’une usine Volkswagen dans le Tennessee viennent de voter leur adhésion syndicale. Une victoire rare pour le syndicalisme aux Etats-Unis, dans un contexte économique tendu qui pousse les travailleurs à se réunir pour faire valoir leurs droits.

C’est une première pour une usine appartenant à une entreprise non-américaine : les employés d’une usine Volkswagen de Chattanooga, dans le Tennessee, ont voté en faveur de l’adhésion au syndicat United Auto Workers (UAW). C’est le constructeur automobile allemand qui l’a annoncé par communiqué le 19 avril dernier.

73% des salariés ont ainsi voté pour la représentation syndicale. Un résultat rare dans l’industrie automobile américaine, qui est encore majoritairement non-syndiquée. L’United Auto Workers s’est félicité de ce résultat sur les réseaux sociaux, précisant que “les travailleurs de Volkswagen viennent d’entrer dans l’histoire”.

Une première victoire pour le syndicalisme américain

L’événement est en effet particulièrement significatif sur le plan syndical. Aux Etats-Unis, les institutions de représentation des salariés et le dialogue social sont généralement peu développés. C’est en particulier le cas dans les états du Sud, où les constructeurs automobiles étrangers sont largement implantés. Selon Stephen Silvia, professeur d’économie à l’American University, ces Etats, historiquement républicains, fonctionnent avec des “modèles économiques fondés sur des salaires relativement bas et une participation minimale des travailleurs” et voient donc les syndicats comme une menace.

En 2014 et 2019, l’UAW avait ainsi déjà tenté de s’implanter au sein de l’usine de Chattanooga de Volkswagen… Et avait échoué deux fois. Cette année, le vote cristallisait encore de nombreuses oppositions : six gouverneurs républicains d’états du Sud avaient même publié une lettre ouverte pour s’opposer aux mouvements syndicaux, arguant que “la syndicalisation mettrait certainement en péril les emplois.” 

Il s’agit donc d’une percée historique du syndicat UAW dans le Tennessee, qui pourrait marquer un véritable tournant pour les mouvements syndicaux dans l’industrie américaine. Dès le mois prochain, l’UAW prévoit ainsi d’organiser un nouveau vote en vue de la syndicalisation dans une usine du groupe Mercedes-Benz dans l’Alabama. Le syndicat pourrait profiter du mouvement en cours pour tenter d’étendre encore son influence, dans ces Etats traditionnellement fermés aux luttes syndicales.

Le renouveau des mouvements syndicaux dans l’industrie américaine

Cette progression des mouvements syndicaux se place dans un contexte plus global de tensions économiques particulières aux Etats-Unis. En 2023, le pays avait ainsi été marqué par une année inédite de grèves, qui avaient notamment frappé le secteur automobile, mais aussi le cinéma et bien d’autres secteurs. Près de 500 000 employés américains avaient participé à ces mouvements, un record dans l’histoire récente du pays. Le contexte économique, marqué notamment par l’inflation, avait alors contribué à renforcer les revendications des travailleurs, que ce soit en matière de revenus ou de conditions de travail. UAW était alors déjà à la manœuvre dans l’industrie automobile, notamment dans le Midwest, et avait obtenu de la part des Big Three (General Motors, Ford et Chrysler-Stellantis) des augmentations de salaires significatives, après des semaines de grève. Une victoire qui avait poussé les autres constructeurs, dont Tesla et Toyota, à proposer eux aussi à leurs salariés des revalorisations malgré l’absence de syndicat.

La victoire du syndicat avait alors “piqué la curiosité des gens” dans les usines des autres constructeurs, comme l’explique dans le Guardian Josh Epperson, employé de Volkswagen à Chattanooga. C’était donc “le moment pour essayer de passer au niveau supérieur” et d’essayer de convaincre plus de travailleurs pour UAW. La victoire à Chattanooga annonce-t-elle le renouveau des mouvements syndicaux aux Etats-Unis ? En tout cas, les perceptions des travailleurs américains à l’égard des syndicats semblent changer. Selon l’institut de sondage Gallup, “le désir d’un plus grand pouvoir syndical augmente, tout comme la croyance dans les avantages syndicaux”, alors que plus des 2/3 des Américains soutiennent désormais les syndicats. Dans ce pays fracturé, le mouvement syndical semble grandir de semaines en semaines, sur le terreau fertile d’une classe moyenne et ouvrière désenchantée, confrontée à la pression économique croissante et la montée des inégalités.

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