L’affaire était en cours depuis plusieurs mois. Havas vient officiellement de perdre sa certification B-Corp pour ses quatre divisons labellisées : Havas London, Havas Lemz, Havas New York et Havas Immerse. B-Lab, qui gère le label B-Corp, avait en effet lancé une enquête contre Havas en janvier dernier, suite au signalement de plusieurs entreprises B-Corp et du collectif Clean Creatives. Le label B-Corp rassemble en effet des “entreprises engagées dans le cadre de leurs activités pour avoir un impact positif au plan social et environnemental”.
Or, les structures à l’origine de la plainte estimaient que Havas n’avait pas respecté les règles fondamentales de B-Corp en signant d’un contrat avec le pétrolier britannique Shell, qui ne remplit par les exigences environnementales de la certification. B-Lab a finalement décidé de leur donner raison en retirant aux filiales du publicitaire français leur certification. L’ensemble des divisons d’Havas est donc désormais inéligible au label.
“Protéger les standards de B-Corp”
B-Lab a ainsi confirmé au collectif de journalistes Desmog que le contrat entre Havas et Shell constituait bien une violation des principes fondamentaux de B-Corp, et qu’Havas refusait d’“adopter les mesures correctives nécessaires pour maintenir la certification”, sans préciser la nature de ces mesures. Clean Creatives, qui oeuvre pour inciter les agences de communication et de publicité à intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à leurs activités, a salué une décision “historique”, qui “protège les standards de label B-Corp […] des agences qui utilisent la certification comme couverture pour faire du greenwashing”. Contacté par Novethic, Havas n’a pour l’instant pas répondu à nos sollictations, mais a indiqué par communiqué prendre acte du retrait de la certification de ses filiales, tout en indiquant que malgré cette décision leur “niveau d’engagement en faveur du développement durable reste inchangé.”
Cette décision souligne en tout cas la volonté de B-Lab de maintenir une politique d’exclusion claire pour son label, en refusant de certifier les entreprises les plus polluantes, mais aussi leurs sous traitants notamment lorsque leurs activités contribuent à mettre en avant des activités néfastes pour l’environnement ou pour la société. Les filiales certifiées d’Havas ne travaillaient pas directement sur le contrat avec Shell mais B-Lab a estimé que du fait de “la structure de l’entreprise et de l’utilisation d’une marque commune”, l’ensemble du groupe était mis en cause par le contrat publicitaire passé avec Shell. Un coup dur pour Havas, alors que son président directeur général Yannick Bolloré, fils de Vincent Bolloré, déclarait en début d’année être “convaincu d’avoir un impact plus fort” en “s’associant à toutes les entreprises.”
Un risque stratégique et de réputation
L’affaire illustre bien les débats qui animent les entreprises du secteur de la publicité, des relations publiques et de la communication, pour lesquelles collaborer avec des entreprises polluantes ou controversées constitue de plus en plus un risque stratégique et un risque de réputation. Alors que, selon un sondage ADETEM, 85% des professionnels du secteur estiment que leurs métiers “occupent une place centrale pour imaginer de nouveaux modèles à la fois plus responsables et économiquement viables”, la question reste ouverte de savoir si ce rôle de catalyseur de la transition est compatible avec la défense des intérêts d’industries polluantes.
Avec sa décision, B Lab vient d’apporter une première réponse à cette controverse, et le groupe s’apprête maintenant à aller encore plus loin, en modifiant ses normes de certification. Dans les prochains mois, le label B-Corp devrait désormais “inclure des exigences rigoureuses de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et d’impact environnemental” pour toutes les sociétés labellisées. Une exigence de vigilance qui s’appliquera notamment à tous les acteurs fournissant des services (communication, marketing, publicité, conseil…) à des entreprises controversées. Une petite révolution dans le monde des labels de durabilité, qui devrait bousculer le secteur. Clean Creatives a d’ailleurs déclaré avoir déposé une autre plainte auprès de B-Lab après avoir découvert cinq autres agences de communication certifiées B-Corp (dont une filiale d’Havas) avaient travaillé avec des clients du secteur des combustibles fossiles au cours des trois dernières années.