Publié le 28 juin 2024

L’extension de l’usine du groupe chimique Daikin près de Lyon n’aura pas lieu. En tout cas pas sans étude d’impact, vient de trancher le tribunal administratif de Lyon. En toile de fonds, ce sont les risques de pollutions aux PFAS, ces polluants éternels, qui motivent cette décision. Une première en la matière.

[Mise à jour le 28 juin 2024]

“C’est une victoire assez inédite en matière de lutte contre les émissions de PFAS”. C’est ainsi qu’a réagi dans la presse Maître Sébastien Bécue, avocat de l’association Bien vivre à Pierre-Bénite. Avec deux autres collectifs (Notre Affaire à Tous – Lyon, et PFAS contre Terre), l’association attaquait devant le juge des référés un arrêté préfectoral qui avait autorisé l’extension d’une usine de l’entreprise Daikin Chemicals implantée sur la commune de Oullins-Pierre-Bénite, près de Lyon.

L’usine, qui devait fabriquer des polymères additivés “pre-compound” à base de PFAS, et notamment des caoutchoucs utilisés comme matériau dans diverses industries (automobile, agro-alimentaire, numérique…), avait été validée par les autorités administratives. Ces dernières considéraient que l’extension ne devrait pas conduire à des rejets polluants supplémentaires. Mais avec les preuves qui s’accumulent sur l’impact écologique et sanitaire des PFAS, reconnues comme toxiques et cancérigènes par le Centre International de Recherche sur le Cancer, le juge a considéré que les conditions permettant de garantir la sécurité des riverains n’étaient pas réunies, notamment à cause de l’absence d’étude d’impact indépendante préalable aux travaux.

Une reconnaissance des dangers des PFAS

Le juge a ainsi considéré qu’avant d’autoriser l’extension industrielle de Daikin Chemicals, il était nécessaire “de tenir compte du fait que le site est implanté dans une zone densément peuplée dans le sud de l’agglomération lyonnaise, où sont installées des usines à l’origine, depuis des décennies, de très importantes émissions dans l’eau et dans l’air de PFAS”. En outre, la décision du tribunal souligne que les activités sur ce site, et les développements industriels successifs ont participé à l’émission de polluants “dont les effets sur la santé humaine [sont] susceptibles d’avoir des effets négatifs notables, notamment par cumul avec les pollutions constatées dans le secteur.” En attendant, l’usine doit donc cesser son extension, avant que des études d’impact ne soient menées pour évaluer le risque de rejets de PFAS dans l’air et dans les eaux locales.

Une décision historique puisqu’elle est la première à trancher contre les industriels dans les affaires liées aux polluants éternels. Camille Panisset, secrétaire de Notre Affaire à Tous – Lyon, s’est dite “soulagée” que “le juge reconnaisse le danger que représente cette extension et demande la suspension de l’arrêté”. L’association PFAS contre Terre s’est quant à elle réjouie d’une décision “qui va dans le sens de l’application du principe de précaution” et attend que se tiennent des “études d’impact [qui] devront se montrer à la hauteur des enjeux pour la santé des riverains et des employés”. Contacté par Novethic, Daikin Chemicals a réagi par la voix de son président Gaël Marseille, qui a assuré “prendre acte et regretter l’ordonnance rendue par le juge” et “étudier l’impact de cette décision” sur les activités du groupe. L’entreprise a également annoncé sa volonté d’“engager un recours contre cette décision, et d’apporter en parallèle à l’autorité préfectorale les précisions techniques nécessaires pour permettre le rétablissement de son activité pre-compound dans les meilleures conditions.”

La zone la plus polluée de France

C’est donc une nouvelle étape dans le feuilleton judiciaire, sanitaire et environnemental qui agite cette zone du sud de la métropole de Lyon depuis plus de deux ans. Cette région, que l’on appelle “la vallée de la chimie” est en effet considérée comme l’une des “plus polluées de France”, suite notamment aux contaminations des réserves d’eau locales par des PFAS émis par les activités de plusieurs usines chimiques, dont Daikin Chemicals, mais aussi Arkema. Depuis la révélation de l’ampleur des pollutions en 2022 par l’émission de France Télévisions Vert de Rage, les controverses et les contentieux contre les industriels des polluants éternels se multiplient.

La métropole de Lyon a ainsi lancé une procédure en référé expertise visant à évaluer la responsabilité des deux industriels, Arkema et Daïkin, dans la pollution de la région. Elle réclame par ailleurs que les entreprises paient pour les dégâts environnementaux et sanitaires et pour la dépollution des ressources en eau potable. La décision est attendue dans les semaines qui viennent. Dans le même temps, l’Assemblée et le Sénat ont récemment voté en faveur d’une proposition de loi des Écologistes visant à interdire la vente de produits contenant des PFAS. La proposition devait repasser devant l’Assemblée pour une validation définitive, avant que la dissolution ne vienne repousser l’échéance.

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