La vague de chaleur est sans précédent. Depuis plusieurs jours, près de la moitié des Etats du Mexique cumulent des températures supérieures à 40 degrés, dépassant même 45 dans certaines zones. A Palenque, dans l’Etat du Chiapas, on annonce ainsi des températures oscillant autour de 42 degrés pendant les 10 prochains jours. Près d’une trentaine de personnes sont déjà décédées et de nombreuses autres hospitalisées d’après les chiffres du Ministère de la Santé mexicain, relayés par Reuters.
Face à une telle canicule, les espèces locales d’animaux sont d’autant plus exposés et ont du mal à survivre. Ces derniers jours, plus d’une centaine de singes hurleurs ont ainsi été retrouvés morts au pied des arbres, dans les Etats du Chiapas et du Tabasco. Epuisés par la canicule, par les activités humaines et les incendies qui perturbent et détruisent leurs habitats, affaiblis par la déshydratation, ces singes arboricoles ne sont plus capables de se maintenir dans les hauteurs sur les branches. “Ils tombent comme des pommes” commente Gilberto Pozo, biologiste local spécialisé dans la conservation des espèces tropicales, qui témoigne dans le Guardian.
“Une espèce sentinelle” face au réchauffement climatique
Face à l’hécatombe, des équipes de secouristes volontaires et des pompiers locaux se sont mobilisés. Plusieurs singes, déshydratés et victimes de fièvres intenses, ont été transportés dans une clinique vétérinaire pour être soignés et certains commencent déjà à se rétablir. Mais depuis une dizaine de jours, les populations locales de singes hurleurs sont de plus en plus affaiblies, et le nombre de morts continue d’augmenter. Pour Gilberto Pozo, cette succession de décès est liée à une synergie de facteurs : chaleur extrême, sécheresse, incendies de forêts, exploitation forestière… Dans ces conditions, les singes sont privés d’eau, de nourriture, d’ombre et d’abri, et s’épuisent jusqu’à la mort.
Outre les singes, d’autres espèces sont également victimes de la vague de chaleur. Localement, les écologistes et les bénévoles ont ainsi secouru des reptiles et plusieurs espèces d’oiseaux. Mais difficile d’évaluer l’ampleur de la crise pour la biodiversité locale, notamment dans des zones naturelles parfois isolées. Pour Gilberto Pozo, la situation est en tout cas particulièrement significative. Le singe hurleur est en effet “une espèce sentinelle”, dont la santé est un témoin de la santé globale de l’écosystème. “Cela en dit long sur ce qui se passe avec le réchauffement climatique” et sur la pression qu’il constitue pour la biodiversité, selon le biologiste.
La biodiversité victime de la crise climatique
Pour l’heure, la vague de chaleur mexicaine n’a pas encore officiellement été attribuée au réchauffement climatique, et la cause précise des décès des animaux doit encore être confirmée avec certitude. Mais d’ores et déjà, de nombreuses études ont montré comment la hausse des températures mondiales menace les espèces vivantes. Selon l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), le GIEC de la biodiversité, le réchauffement climatique constitue l’une des principales pressions sur la biodiversité mondiale. Près de la moitié des espèces de mammifères sur la planète ont déjà vu leurs habitats naturels transformés par la crise climatique, et jusqu’à 5% des espèces seraient menacées d’extinction en cas de réchauffement climatique limité à deux degrés.
Ces dernières années, les exemples de l’impact du climat sur la dégradation de la biodiversité se multiplient. Il y a quelques mois, plusieurs dizaines d’éléphants sont morts au Zimbabwe à cause du manque d’eau, lors d’une sécheresse exceptionnelle, largement accentuée par El Niño et le réchauffement climatique. Quelques semaines plus tôt, près d’une centaine de dauphins roses d’Amazonie avaient perdu la vie pendant une période caniculaire, alors que les eaux des lacs amazoniens flirtaient par endroit avec les 40 degrés. Même chose dans les océans, où les canicules marines se multiplient, emportant avec elles une grande partie de la biodiversité des océans. En 2022, ce sont des milliers d’animaux d’élevage qui ont aussi été tués par les chaleurs extrêmes qui avaient frappé les Etats-Unis. Une liste qui devrait continuer de s’allonger, alors que le réchauffement climatique continue de s’amplifier et de menacer les écosystèmes mondiaux.