Publié le 5 mai 2024

C’est une immersion nécessaire à quelques semaines des élections européennes. Le documentaire Le Compromis – Dans les coulisses du pouvoir, diffusé sur Arte nous plonge dans les rouages de cette institution faite de compromis, où l’équilibre tient sur un fil. On y suit trois eurodéputées qui bataillent pour faire adopter une loi ambitieuse sur le devoir de vigilance européen. Comment convaincre les plus récalcitrants ?

Il y a des sorties de films qui tombent à point nommé. On pense à Petites mains de Nessim Chikhaoui qui filme les femmes de chambre d’un palace parisien en lutte, sorti le 1er mai pour la Journée internationale des travailleurs. Mais aussi à ce documentaire, Le Compromis – Dans les coulisses du pouvoir, diffusée sur Arte le 30 avril, à un peu plus d’un mois des élections européennes. Cette immersion au cœur du Parlement a le pouvoir d’humaniser et de rendre haletante une institution qui apparaît pour beaucoup comme froide et loin des préoccupations quotidiennes. Un tour de main réussi de Fanny Tondre et Yann Ollivier.

Les deux réalisateurs ont suivi trois eurodéputées en pleine bataille pour faire adopter en Europe un devoir de vigilance, capable de limiter les atteintes des entreprises en matière de droits humains et environnementaux. En ligne de front : la Néerlandaise Lara Wolters (groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates), rapporteure du projet de loi, la Finlandaise Heidi Hautala (groupe des Verts) et la Française Manon Aubry (Gauche unitaire européenne). Comment ces trois femmes peuvent-elles convaincre le Parti populaire européen (PPE) et Renew Europe de voter en faveur de cette loi ?

L’heure du vote est arrivée

C’est ici le cœur du documentaire, et le cœur de la vie de ces parlementaires : le compromis. Un compromis sur un fil. Jusqu’où le texte peut-il être affadi sans considérer qu’il est une coquille vide ? Les victimes de la fast-fashion à l’autre bout du monde pourront-elles s’en servir ? Vont-elles voir leur vie changer grâce à cette loi ? C’est la boussole qui guide ces trois eurodéputées à mener à bien leur combat. Alors les tractations commencent et les télespectateurs se prennent au jeu, un jeu bien sérieux duquel dépendent les conditions de vie et de travail de milliers d’individus.

L’heure du vote est arrivée. Combien de députés PPE vont-ils les suivre ? Les amendements cruciaux pour les progressistes, vont-ils survivre au lobbying intense des entreprises ? Le vote commence et avec lui, une chorégraphie se dessine, sans bruit. “Amendement 77, qui est pour ?”. Avant même la fin de la phrase, le bras et le pouce gauche de Lara Wolters se lèvent, et quelques secondes plus tard son bras droit. Elle indique ainsi aux autres membres comment la suivre. Le pouce en bas ? Voter contre. Ici et là des soupirs de soulagement, des sourires et quelques déceptions.

Après des efforts coûteux de négociations, des centaines d’heures de discussion, le Parlement européen adopte le texte. “Comme prévu, les groupes progressistes ont voté en faveur de la loi”, explique la voix off, “mais sans les 88 % des membres de Renew, les libéraux du Parlement, et environ un tiers des membres démocrates-chrétiens du PPE qui ont voté en faveur de la loi, elle n’aurait pas été adoptée”. Si la version du texte adoptée définitivement le 24 avril dernier a été édulcorée, cette ode à la pédagogie, au débat constructif, résonne particulièrement à quelques semaines des élections européennes.

Le Compromis. Dans les coulisses du pouvoir, de Fanny Tondre et Yann Ollivier (Fr., 2024, 95 min).

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