Une utopie qui (re)donne envie d’agir
Les nouveaux imaginaires sont au cœur du premier roman de l’essayiste Sandrine Roudaut, "Les Déliés", qui signe ici une utopie encore rare quand on évoque l’écologie notamment. L’autrice nantaise nous fait voyager dans un monde lumineux "où certes rien n’est gagné, mais où tout est encore possible". Ici, le pouvoir est détenu par Big Mother. Cette intelligence artificielle est une réponse au changement climatique, elle impose une sorte de dictature verte (interdiction des réseaux sociaux, photo-rationnement…). Dans ce contexte, cinq femmes tentent de lutter pour préserver des choses essentielles comme les mots et décident de changer de prénom pour adopter des prémots… Un récit qui (re)donne envie d’agir.
Et si les mesures de la Convention citoyenne pour le climat avaient été mises en place…
Un enquêteur qui part à la recherche du meurtrier d’un essaim d’abeilles, un présentateur qui tente de faire deviner le "juste score carbone" à ses invités, des élèves qui doivent compléter des recettes à trous avec des produits de saison, des emplacements publicitaires transformés en lieux d’exposition éphémères…voilà à quoi ressemblerait un monde dans lequel les propositions de la Convention citoyenne pour le climat seraient (réellement) appliquées. Dans "Apporter demain", Jonas Teboul, auteur de bande dessinée, Téo Saal et Lucas Zufic, ingénieurs, illustrent en bande dessinée les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Chacune des 149 propositions prend vie sur une double-page à travers des extraits de vie qui montrent que le changement est possible et qui rendent cet avenir désirable.
Apporter demain, de Téo Saal et Lucas Zufic, illustrations Jonas Teboul, aux éditions Les enfants rouges, avril 2023, 136 pages.
Repenser la place des femmes et des hommes dans la société
Le titre du livre de Christina Sweeney-Baird est volontairement provocateur. La jeune romancière britannique a imaginé un monde où un virus, baptisé le Fléau, vient s’attaquer à la population masculine, jeunes et vieux, et décime 90% des hommes de la planète. Une pandémie imaginée avant même celle du Covid-19, même si le livre est sorti juste après. "Il ne s’agit pas d’un monde où les femmes se réjouissent de voir les hommes mourir, nuance néanmoins l’autrice dans une interview sur Arte. C’est un roman dystopique qui peut nous montrer ce que nous devons changer dans le monde actuel." Le livre suit ainsi plusieurs parcours de femmes qui se débattent avec l’épidémie à leur manière, soit pour sauver leurs maris ou enfants, soit pour trouver le vaccin miracle, ou encore pour refaçonner la société.
La fin des hommes, de Christina Sweeney-Baird, aux éditions Gallmeister, mars 2022, 480 pages.
Eutopia, ou la disparition du capitalisme
Imaginer la disparition du capitalisme, plutôt que celle de l’environnement, voilà le pari d’"Eutopia", dernier roman de Camille Leboulanger. À l’opposé des habituelles dystopies, cette autobiographie fictive suit la vie d’Umo, citoyen d’une nouvelle société. Celle-ci repose sur la déclaration d’Antonia, un texte qui abolit la notion de propriété privée à tous les niveaux. De sa naissance à ses derniers jours, Umo nous permet de découvrir les valeurs de ce monde résolument positif : salaire à vie, économie circulaire, travail-plaisir, ville du futur où cohabitent nature et êtres humains… Mais aussi ses relations aux autres, tant familiales qu’amoureuses, repensées au travers du prisme post-capitaliste. Loin de vouloir décrire une société parfaite, "Eutopia" s’applique davantage à "questionner ses principes fondateurs", comme l’explique Camille Leboulanger dans une interview à l’occasion de la sortie du roman. Une œuvre engagée et enthousiasmante.
Eutopia, Camille Leboulanger, aux éditions Argyll, octobre 2022, 600 pages.
Une dystopie résolument féministe et pleine d’espoir
"Viendra le temps du feu" est un roman choral et dystopique, où son autrice Wendy Delorme nous emmène dans une époque pas si lointaine, en proie au réchauffement climatique et où la reproduction est devenue obligatoire après la disparition d’une génération entière. Pour échapper aux dérives de cette société totalitaire, une dizaine de femmes s’exilent et forment une communauté marginale et rebelle. La lecture de ce récit fait l’effet d’une claque car il s’avère être terriblement d’actualité. Mais au-delà du triste portait que dresse l’autrice de notre futur proche, Wendy Delorme nous parle de sororité, d’humanité, d’écologie, d’amour et de résistance … Et les lecteurs avertis apprécieront les nombreuses références aux travaux des auteurs féministes Monique Wittig et Paul B. Preciado.
La rédaction