La COP28 s’achève dans deux jours, que peut-on en attendre selon vous ?
Pas grand chose ! En confiant sa présidence à un dirigeant de compagnie pétrolière, nous sommes aux limites extrêmes de la provocation avec cette COP. Mais c’est dans le droit fil de ce qu’il s’est passé ces dernières décennies, sous la houlette du Canadien Maurice Strong (mort en 2015), qui fut à la fois le patron du Programme des nations unies pour l’environnement et qui a également, pendant trente ans, travaillé pour l’industrie pétrolière. Certes, on assiste à une rupture dans le ton, avec par exemple, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, qui dénonce le manque de leadership "criminel" des dirigeants mondiaux dans la lutte contre le réchauffement, en réponse à un rapport du Giec. Mais est-ce que cela va changer les choses ? J’en doute.
Les COP servent-elles alors à quelque chose ? Cela n’aurait-il pas été pire sans elles ?
Je ne pense pas non car le pire est déjà là. En Amérique latine, alors que l’été n’est pas encore là, on bat des records avec des températures ressenties de 60°C ! C’est apocalyptique. En 2015, il y a eu une exaltation incroyable au moment de l’Accord de Paris, et huit ans plus tard, on apprend que la température moyenne du globe a pour la première fois dépassé les 2°C. La réalité vient fracasser les engagements de 2015. Donc je pense que ces COP aggravent les choses parce qu’elles donnent l’illusion d’agir. C’est pire que de ne rien faire parce qu’on fait croire qu’on a les choses en main. C’est la définition même du simulacre.
Vous assimilez les termes de "transition écologique", "neutralité carbone" ou encore de "RSE" à du climatoscepticisme. Mais comment les entreprises peuvent-elles agir hors de ces cadres ?
Tout ça c’est du greenwashing, c’est la philosophie même du développement durable, c’est-à-dire un développement qui va durer, ça ne veut pas dire qu’elles vont renoncer. Bien sûr il y a quelques entreprises vertueuses mais la grande majorité d’entre elles bluffent. Rien ne pourra les faire changer car c’est dans leur nature, on ne peut pas le leur reprocher. C’est l’économie entière qui est problématique parce qu’elle est fondée sur la production d’objets inutiles. C’est le moteur à explosion de la crise climatique.
Que pourrait-on faire alors pour changer la donne ?
Il faut sortir du cadre des COP parce qu’elles sont désastreuses. Je prends parfois cette comparaison. C’est comme si vous vouliez aller au Havre, mais que vous êtes monté dans un train qui va à Marseille. Quoique vous fassiez, le train ira à Marseille et non pas au Havre. Ce qu’il faut c’est changer de train, changer de cadre. Il faut voir apparaître les peuples et la société civile qui sont mis à l’écart des discussions au profit des lobbyistes des énergies fossiles. Il faut imaginer autre chose, inventer de nouvelles formes politiques d’y répondre et rêver de décideurs qui aient le courage de prendre des mesures de bon sens.
À la fin de votre livre, vous écrivez une "Lettre à des jeunes gens sur le destin du monde". Est-ce là que réside l’espoir ?
Ils sont l’avenir, ce sont eux qui vont devoir mener ce combat formidable. Quelque part, je les envie, car j’aurai aimé le mener moi aussi mais ce ne sera pas possible biologiquement (rires). J’ai voulu leur dire que ce combat est décisif et que même s’ils sont minoritaires, ils doivent le mener. Parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Ils doivent accepter de prendre des risques et unir les forces disponibles. L’histoire des Hommes est remplie de ruptures, les ruptures révolutionnaires existent. Sans cela, on n’obtiendra pas les résultats escomptés.
Propos recueillis par Concepcion Alvarez
(1) Le Grand Sabotage climatique. Révélations sur un système corrompu : ONU, multinationales, gouvernements…, de Fabrice Nicolino, Les Liens qui libèrent, 352 pages.