Publié le 12 janvier 2024
L’Afrique du Sud a saisi la Cour Pénale internationale contre Israël pour génocide sur la population de Gaza, faisant émerger le parallèle entre la situation des Palestiniens à Gaza et l’apartheid en Afrique du Sud que le boycott international a contribué à faire disparaitre en 1991. Naomi Klein, l’activiste canadienne, tente de ranimer la flamme du boycott contre Israël que porte le mouvement BDS, convaincue que quand les États et la politique échouent, la pression économique et financière peut prendre le relais et être parfois plus efficace. 

BDS – pour Boycott, Désinvestissement, Sanction – est un mouvement lancé il y a une vingtaine d’années contre Israël pour l’inciter à respecter le droit international et humanitaire. Il prend de l’ampleur en particulier dans les pays du Sud où les populations sont nombreuses à protester contre le traitement réservé aux Palestiniens à Gaza. La campagne cible les produits israéliens comme les fruits mais aussi une liste d’entreprises que le mouvement encourage à boycotter. On y retrouve par exemple les entreprises françaises Carrefour ou AXA. L’assureur avait été la cible d’une action du BDS devant son assemblée générale au printemps 2023. 


Dans son appel à donner une nouvelle ampleur au mouvement, inspiré par celui contre l’apartheid, Naomi Klein rappelle la puissance du boycott. "BDS qui base ses campagnes sur des éléments très documentés est l’arme non violente la plus efficace." Elle ajoute : "des groupes organisés de consommateurs ont le pouvoir de boycotter les entreprises qui investissent dans les colonies illégales et vendent des armes à Israël. Des syndicats peuvent demander à leurs fonds de pension de désinvestir de ces entreprises et des collectivités locales peuvent intégrer des critères éthiques et de respect des droits humains dans les appels d’offres." 

Des mesures anti-BDS


Ces pratiques sont courantes aux États-Unis et dans les pays du Nord mais en France, c’est plutôt le mouvement des consommateurs qui est privilégié même s’il est difficile d’en mesurer l’impact. En vingt ans, le mouvement BDS n’a toutefois pas pris la même ampleur que le mouvement contre l’apartheid qui avait énormément mobilisé dans les années 70, en particulier aux États-Unis où les investisseurs éthiques ont joué un rôle clef. Naomi Klein explique que le mouvement BDS a été très attaqué non seulement par Israël mais aussi par les États-Unis où sont recensés "pas moins de 293 mesures anti-BDS".
"Elles peuvent concerner les fondations d’universités, avec l’obligation de signer des contrats s’engageant à ne pas boycotter Israël ou constituer des listes noires d’entités qui appellent au respect des droits des Palestiniens, détaille la militante. "Ces mesures anti-BDS peuvent aller assez loin dans des États radicaux comme celui de la Floride. Son gouverneur Ron de Santis a placé sur liste noire Morning Star Sustainalytics, agence d’évaluation des entreprises sur des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) spécialiste de la notation de controverses".
Celle-ci n’avait fait que son métier en informant ses clients investisseurs des risques liés aux campagnes de boycott menées par BDS. Dans son texte, le gouverneur de Floride a déclaré que son État "ne travaille pas avec des entreprises qui utilisent leur pouvoir économique pour attaquer Israël ni avec celles qui utilisent des données ESG erronées liées à la campagne BDS". Le champion de la lutte anti-woke, anti-ESG et donc anti-BDS a ajouté : "ceci est un avertissement pour le reste du monde".

Faire converger les luttes


La convergence des attaques contre la campagne BDS venant des Républicains pro-armes, pro-énergies fossiles et anti-LGBTQ est, pour Naomi Klein, un signal de plus de la nécessité de faire converger les luttes. "Si l’impunité progresse et que le droit au boycott et au désinvestissement est refusé pour la solidarité avec la Palestine, les mêmes méthodes seront utilisées pour faire barrage à l’action climatique, au contrôle des armes et aux droits des minorités." 
L’ouverture du procès devant le tribunal pénal international a entrainé des réactions du même type soulignant que c’étaient des Africains victimes d’apartheid qui portaient le fer contre Israël pour génocide.


La convergence des luttes pour le climat et le respect des droits humains est aussi incarné par Greta Thunberg qui poursuit sa grève hebdomadaire pour le climat tout en appelant à libérer la Palestine. 


Autre angle d’attaque environnemental, une étude relayée par le Guardian tentait d’alerter sur les conséquences de la guerre sur le changement climatique. Elle a calculé que les émissions provenant de la guerre israélienne à Gaza ont un impact important puisque les premiers mois de conflit ont émis plus de gaz à effet de serre que 20 pays vulnérables au changement climatique en un an !


Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic

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