Publié le 26 avril 2023
L’Espagne subit actuellement un épisode de chaleur exceptionnel pour un mois d’avril. Les agriculteurs renoncent à planter leur semis, de peur de manquer d’eau, et appellent Bruxelles à l’aide. Les impacts du changement climatique s’emballent et mettent les États au pied du mur pour s’adapter en urgence.

Une chaleur anormale pour un mois d’avril est en train de s’abattre sur l’Espagne, avec des pointes prévues à 40°C d’ici vendredi 28 avril, alors que le pays est déjà frappé par une sécheresse catastrophique. "La masse d’air très chaud et sec d’origine africaine" va se traduire par des "températures exceptionnellement élevées pour cette période de l’année", a annoncé dans un communiqué l’agence météorologique espagnole (Aemet).
Des températures estivales qui frapperont particulièrement l’Andalousie, dans le sud du pays, et qui seront supérieures de "6 à 10°C" en moyenne aux normales de saison, précise l’Aemet. Mais dans certains endroits, elles dépasseront même de "15 à 20 degrés" les valeurs normales de la fin avril, a précisé sur Twitter le porte-parole de l’agence, Ruben del Campo.


"Aucune culture n’ira à la maturité sans irrigation"


Cette vague de chaleur survient alors que l’Espagne connaît un printemps anormalement chaud et sec, notamment en Catalogne (nord-est), qui est confrontée à sa pire sécheresse depuis des décennies, et où les autorités ont d’ores et déjà pris des arrêtés pour réduire l’usage de l’eau. Sur Linkedin, l’agro-climatologue Serge Zaka alerte : "les indices hydriques des sols agricoles espagnols vont atteindre les niveaux du Sahara. La réserve hydrique des sols s’abaisserait à 0% sur [0-40cm] et 1% sur [0-100cm]. À ce niveau-là, aucune culture n’ira à la maturité sans irrigation. Les écosystèmes non adaptés sont/seront en souffrance extrême". Mais de l’eau, il n’y en a plus assez.
"Nous sommes dans un moment difficile sur le plan hydrologique", d’autant que les nappes phréatiques et les réservoirs espagnols ont été mis à mal ces dernières années par un manque chronique de précipitations, a reconnu la semaine dernière le ministre de l’Agriculture Luis Planas. Dans un communiqué, la confédération patronale agricole Asaja a elle aussi tiré la sonnette d’alarme. "L’intensité de cette sécheresse est terrible" et entraîne une situation "chaotique", avec de lourdes pertes à prévoir pour les cultures de céréales et d’oléagineux, a-t-elle souligné.
D’après le Coag, principal syndicat d’agriculteurs, 60% des terres agricoles espagnoles sont actuellement "asphyxiées" par le manque de précipitations. "Des dommages irréversibles ont été causés à plus de 3,5 millions d’hectares de céréales", s’inquiète-t-il. Les agriculteurs sont très préoccupés. Nombre d’entre eux ont dû renoncer ces dernières semaines aux semis de printemps, notamment de céréales et d’oléagineux. Et le gouvernement espagnol a demandé à la Commission européenne d’activer la "réserve de crise" de la Politique agricole commune (PAC).

Risque d’incendies


Cette vague de chaleur précoce, couplée à un vent soutenu et à une très faible humidité, va également accroître le risque d’incendies au cours des prochains jours, alors que les pompiers ont déjà combattu plusieurs feux de forêt importants depuis la fin mars. D’après le Système européen d’information sur les feux de forêt (Effis), l’Espagne est déjà sur un record de surfaces brûlées depuis le début de l’année, avec 54 000 hectares touchés au 23 avril, contre 17 126 hectares à la même date en 2022, année pourtant record en matière d’incendies.
L’Espagne est l’un des pays européens les plus touchés par le changement climatique. Selon l’Onu, 75% de son territoire est en voie de désertification. Le pays va devoir revoir toute sa politique agricole. Le secteur, pilier de l’économie espagnole, absorbe plus de 80% des ressources hydriques du pays, notamment pour des fruits et légumes destinés à l’exportation… vers la France. "Nous devons penser à l’avenir en utilisant des semences et des cultures qui nécessitent moins d’eau", a souligné le ministre de l’Agriculture espagnol. "Cela ne fait que commencer", a-t-il ajouté.
Concepcion Alvarez avec AFP

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