Si les défenseurs des droits humains à commencer par le député européen Raphaël Glucksmann, ont tenté depuis des mois d’attirer l’attention sur le sort dramatique de la minorité musulmane chinoise ouïghoure, ils commencent enfin à être entendus à l’été 2020. La vidéo, tournée en 2019 par un drone, montrant des Ouïghours à genoux les yeux bandés encadrés par des policiers armés refait surface et a même été montrée en direct par la BBC à l’ambassadeur de Chine très embarrassé.
Si la communauté internationale finit par se mobiliser c’est en grande partie grâce au rapport d’une ONG australienne, publié en mars, qui dénonçait le recours au travail forcé des Ouïghours par les sous-traitants de plus de
80 multinationales dont Nike et Apple. Cette stratégie d’appels au boycott des marques pour qu’elles fassent respecter les droits humains par leurs sous-traitants est ancienne. Dans les années 2000, la lutte contre les sweatshops, usines aux piètres conditions de travail et de rémunération, et le travail des enfants, avait déjà mis Nike en difficulté.
Le devoir de vigilance doit responsabiliser les donneurs d’ordreDix ans plus tard, la mise en cause de Foxconn, sous-traitant d’Apple pour les violations des droits humains dans ses usines, dénoncé sur
Envoyé Spécial en décembre 2012, produisait le même résultat. Cette stratégie en lumière la
responsabilité des donneurs d’ordre sur les conditions de travail dans leur chaîne de sous-traitance sociale. Les diverses lois sur le devoir de vigilance et la lutte contre l’esclavage moderne ont pour objectif de les obliger à y remédier.
Huit ans plus tard on retrouve les mêmes multinationales au cœur d’un autre scandale de complicité de violations de droits humains par le recours au travail forcé des Ouïghours que le pouvoir chinois veut officiellement "rééduquer" pour diminuer drastiquement leur nombre. Il est en passe de réussir puisque la population ouïghour aurait diminué de 84 % dans la région.
Les appels au boycott des grandes marques consistent à sensibiliser les consommateurs au prix que payent les ouvriers des usines du monde pour mettre à leur disposition des produits dont ils raffolent comme les téléphones ou les chaussures. L’objectif est de les transformer en consom’acteur qui, par leur absence d’achat ou l’interpellation de la marque sur les réseaux sociaux, conduisent leurs marques favorites à user de leur influence pour que leurs sous-traitants mettent fin aux violations de droits humains dont ils sont responsables. Pour mesurer s’il s’agit d’un mouvement de masse Raphael Glucksmann a appelé il y a quelques jours à un rassemblement à Paris le 3 octobre prochain.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic