Après de multiples rebondissements, le procès géant qui devait s’ouvrier hier, 21 octobre, autour de la crise des opioïdes n’aura pas lieu. In extremis, à quelques heures d’un procès qui menaçait leur réputation et leurs affaires, les laboratoires et distributeurs pharmaceutiques accusés ont obtenu un "accord de principe" qui devrait leur éviter le plus grand procès de santé publique aux États-Unis depuis les poursuites contre les fabricants de tabac dans les années 1990.
Sur le banc des accusés, on devait trouver un laboratoire (Teva), trois distributeurs de médicaments (Amerisource Bergen, Cardinal health et McKesson) et un pharmacien (Walgreens Boots Alliance). Tous nient leur responsabilité dans la crise. L’accord de principe, qui a été conclu avec deux comtés de l’Ohio, se chiffre à 260 millions de dollars. Il devrait être généralisé avec l’ensemble des plaignants, plus de 2 500, essentiellement des villes, comtés et presque tous les États fédérés américains. Et se chiffrer à près de 50 milliards de dollars, étalés sur des années.
Un coût gigantesque pour les collectivités
Ce procès, le premier d’ampleur fédérale, était fortement attendu par les Américains. Et plus particulièrement par les collectivités locales (dont l’Ohio, très touché) qui doivent aujourd’hui prendre en charge ces personnes dépendantes.
Les plaignants considèrent l’industrie pharmaceutique comme responsables de cette crise sanitaire déclarée "urgence nationale" par Donald Trump en 2017. Depuis 20 ans, 400 000 personnes sont mortes des suites d’overdose ou de dépendances aux opioïdes, ces médicaments anti-douleurs ultra puissants, prescrits en masse aux Américains. Des dizaines de milliers d’autres, dont des enfants, doivent encore aujourd’hui lutter contre la dépendance et les opioïdes tuent encore 130 personnes par jour. Ils espèrent donc faire payer l’industrie pharmaceutique pour les gigantesques coûts générés par cette crise. Rien que pour ces quatre dernières années, ils sont estimés à 631 milliards de dollars par an en frais de santé, en productivité perdue mais aussi en moyens mis en œuvre face aux pressions exercées sur le système pénal. Et les coûts pourraient monter en flèche ces prochaines années.
Les plaignants estiment que c’est donc à l’industrie pharmaceutique de payer. Ils accusent les fabricants de médicaments d’avoir commercialisé leurs drogues de manière trop agressive et d’avoir minimisé leurs risques de dépendance, tandis que les distributeurs n’étaient pas assez sévères pour bloquer les commandes suspectes. Des accusations que l’industrie a toujours nié.
La bataille judiciaire continue ?
La solution de l’accord amiable trouvée lundi était soutenue par le juge lui-même car elle donne aux communautés touchées les fonds nécessaires pour lutter contre la dépendance aux opioïdes bien plus rapidement que le long processus de jugement et les éventuels appels qui ne manqueront pas de suivre. Celui-ci était prévu pour durer des mois, voire plus.
Si ce procès, considéré comme emblématique, n’aura finalement pas lieu, le bras de fer juridique entre les collectivités et l’industrie pharmaceutique n’est pas tout à fait terminé. Si quatre des accusés ont signé l’accord, la chaîne pharmaceutique Walgreens ne l’a pas fait. Et il reste à sceller un accord global avec les milliers de plaignants. Ces derniers mois, plusieurs accords ont été trouvé pour éviter les milliers de procédures en cours. En août, le laboratoire Johnson & Johnson a été condamné à payer une amende de 572 millions de dollars par un tribunal de l’Oklahoma avant de conclure, comme de nombreux laboratoires, un accord amiable à plusieurs millions pour éviter de nouveaux procès comme celui qui devait se tenir le 21 octobre. Certains comme Purdue, ont aussi opté pour la tactique de la mise en faillite qui leur permet aussi de passer par des procès dont ils ne veulent pas…
Le règlement de lundi a été qualifié d’"étape importante" dans la lutte contre l’épidémie d’opioïdes par les procureurs généraux des États de Caroline du Nord, du Tennessee, de Pennsylvanie et du Texas. "La crise a frappé la population dans tous les coins du pays et il est essentiel que les fonds soient répartis équitablement entre les États, les villes et les comtés et utilisés avec sagesse pour lutter contre la crise", ont-ils déclaré dans un communiqué conjoint.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
Publié le 22 octobre 2019
Ce 21 octobre devait s’ouvrir un procès emblématique aux États-Unis, celui de laboratoires et distributeurs accusés d’être à l’origine de la crise des opioïdes, qui a provoqué la mort de 400 000 personnes dans le pays ces 20 dernières années. Mais au tout dernier moment, ils ont obtenu un accord avec les plaignants, essentiellement des collectivités locales, qui leur demandaient de payer pour assurer les traitements des dizaines de milliers de personnes dépendantes.
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