Publié le 15 juillet 2024

Alors que plusieurs documents clés pour la planification écologique sont en attente de mise en consultation, la France a remis sa feuille de route énergie-climat à la Commission européenne. Dans ce document, Paris refuse toujours de se fixer un objectif d’énergies renouvelables et défend le concept d’énergie décarbonée qui inclut le nucléaire.

Energies renouvelables contre énergies décarbonées. Dans sa feuille de route énergie-climat, transmise à la Commission européenne la semaine dernière, la France continue de tenir tête à Bruxelles en refusant de se fixer un objectif d’énergies renouvelables. Le document, envoyé avec quelques jours de retard en raison du contexte électoral, préfère défendre une cible d’énergie décarbonée, qui inclut à la fois les renouvelables et le nucléaire.

“Notre objectif principal est la baisse des émissions de gaz à effet de serre, et donc nous mettons l’accent sur les énergies décarbonées qu’elles soient nucléaires ou renouvelables”, défend le cabinet de Roland Lescure, ministre de l’Industrie et de l’Energie. Ainsi, la France arriverait à 58% d’énergies décarbonées dans la production finale d’énergie d’ici 2030. Bruxelles avait fixé de son côté un objectif de 44% d’énergies renouvelables à atteindre par la France à cet horizon.

33% ou 41% ?

Dans les faits, il est bien difficile de savoir si la trajectoire est la bonne. En décembre dernier, après la publication de la première version du Pniec (Plan national intégré énergie-climat), la Commission européenne avait épinglé la France après avoir calculé que l’objectif d’énergie renouvelable à 2030 ne serait que de 33%, très loin donc des 44%. Les objectifs de production d’énergie renouvelable français ayant été inchangés entre la première et la seconde version du document, on peut se dire que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique reste de 33%.

Plusieurs experts ont effectué un autre calcul en partant de la consommation finale d’énergie d’origine renouvelable (570 térawattheures, TWh) comparée à la consommation énergétique finale (1381 TWh) avec un produit en croix. On tombe alors sur une part de 41,3%, ce qui placerait la France sur une meilleure trajectoire par rapport aux objectifs européens. Mais les cabinets de Roland Lescure et de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, refusent de confirmer ce chiffre et indiquent qu’il n’est pas conforme à la méthodologie “qui permet de déterminer la part d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie”. Le message est clair : pas d’objectif d’énergie renouvelable mais une cible de 58% d’énergies décarbonées.

Pour le réseau Cler, l’objectif d’énergies renouvelables doit pourtant être indiqué “noir sur blanc dans le Pniec” dans le respect de la directive sur les énergies renouvelables du 18 octobre 2023. “Le non-respect de ses engagements expose la France à une sanction financière et au gel de fonds européens”, prévient l’association. “La France, pour des raisons politiques, ne veut pas afficher d’objectif pour 2030 en matière d’énergies renouvelables dans son plan”, ajoute Etienne Charbit, responsable Europe au réseau Cler.

Une directive “bas-carbone”

La France, avec une coalition de pays pro-nucléaires (la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie et la Suède), réunis sous l’Alliance du nucléaire, bataille à Bruxelles depuis plusieurs mois pour obtenir une directive “bas carbone” prenant en compte le nucléaire à l’horizon 2040, en remplacement de la directive énergies renouvelables. Le pays, qui est le seul en Europe à ne pas avoir atteint ses objectifs de déploiement d’énergies renouvelables en 2020, refuse d’acheter des volumes de production d’énergies renouvelables à d’autres Etats, comme le prévoit l’UE en cas de non-atteinte des objectifs, et mettant en avant que “la France dispose d’un bouquet énergétique et électrique parmi les plus décarbonés de l’UE”.

Par ailleurs, la France se fixe l’objectif d’une réduction brute de ses émissions de gaz à effet de serre “d’au moins -50% en 2030 par rapport à 1990“, qui ne tient pas compte des absorptions de CO2, et non pas de – 55% d’ici 2030, comme défendu par l’Union européenne. Cela s’explique par la forte incertitude autour des puits de carbone et notamment des forêts dont la capacité d’absorption du CO2 a diminué d’un tiers en dix ans. Enfin, le document pourra de nouveau être amendé en fonction des trois documents stratégiques qui doivent encore être mis en consultation publique : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), la Stratégie nationale bas carbone (SNBC 3) et le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3).

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes