Publié le 29 mars 2024

Le Tribunal de justice de Paris a annulé l’assignation de TotalEnergies contre Greenpeace. La major dénonçait des informations “fausses et trompeuses” concernant son bilan carbone calculé par l’ONG. Une démarche au civil inédite, comparée par Greenpeace à une procédure-bâillon.

C’est une drôle de coïncidence. Alors que TotalEnergies fêtait jeudi 28 mars son centième anniversaire, le Tribunal judiciaire de Paris annulait le même jour l’assignation de la major pétro-gazière contre Greenpeace. Les faits portent sur la publication d’un rapport en novembre 2022, baptisé “Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas”, dans lequel l’ONG affirme que TotalEnergies a “un total d’émission de 1,6 milliard de tonnes d’équivalent CO2″ contre 455 millions de tonnes selon le groupe, pour l’année 2019.

TotalEnergies avait dénoncé “des informations fausses et trompeuses, reposant sur une méthodologie contestable et comportant de multiples erreurs, doubles comptages et approximations, aboutissant à un résultat incohérent“. La major avait dès lors assigné Greenpeace en avril 2023, et demandé au juge civil d’obliger l’association à supprimer le rapport et toutes les publications afférentes, sous astreinte de 2 000 euros par jour. Un procédé pour le moins inédit par rapport aux traditionnelles poursuites en diffamation, assimilée par l’ONG à une “procédure-bâillon” visant à étouffer sa voix.

“Tentatives d’intimidation”

Dans son ordonnance, le juge a finalement annulé l’assignation, estimant que “le défaut de précisions cause nécessairement grief” aux parties assignées, “qui ne peuvent se défendre utilement sur le fond”, selon le document consulté par Novethic. Il condamne TotalEnergies à verser 15 000 euros à Greenpeace France et à Factor X, le cabinet ayant réalisé l’analyse, au titre des frais engagés pour la procédure.

“C’est une très belle victoire pour la liberté d’expression”, a réagi Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France, dans un communiqué. “Nous devons rester vigilants, a-t-elle toutefois indiqué. Cette poursuite-bâillon s’inscrit dans un contexte inquiétant d’augmentation des tentatives d’intimidation judiciaire contre la société civile”.

Greenpeace a fait l’objet de deux autres procédures similaires : en Grande-Bretagne, Shell lui réclame des millions de dollars pour une action pacifique, et en Italie, ENI a engagé une procédure qui pourrait aboutir à un procès en diffamation. De son côté, TotalEnergies dit prendre “acte de la décision du juge” du tribunal judiciaire de Paris et examiner “les suites à donner”.

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