Avant de pouvoir enfiler leurs baskets, les marathoniens du Mont-Blanc devront bientôt faire valider leur billet de train. C’est la décision annoncée il y a quelques jours par la compétition sportive dont les huit courses se déroulent autour de Chamonix. Après avoir interdit les bouteilles en plastique, mis en place des pénalités pour les coureurs jetant leurs déchets au sol ou encore adopté un approvisionnement local, l’événement a fait le choix d’aller un cran plus loin lors de sa prochaine édition.
A partir de 2025, 40% des dossards seront en effet réservés aux participants ayant choisi le rail comme mode de transport principal pour leur venue. Concrètement, “les traileurs devront s’engager à venir en train au moment du tirage au sort, affirme à Novethic Fred Comte, directeur du Club des Sports de Chamonix à l’origine de la compétition. S’ils ne le font pas, on leur retirera tout simplement leur dossard.” Une mesure de poids alors que chaque année, plus de 30 000 personnes se pressent pour décrocher l’une des 10 000 places disponibles.
96% des émissions carbone
L’objectif de l’événement est simple : doubler la part du rail qui représente à ce jour 20% des déplacements des coureurs. Les organisateurs s’attaquent ainsi à la part la plus importante de l’empreinte carbone de la compétition. “Lorsque nous avons dressé notre bilan, nous avons constaté que 96% de nos émissions proviennent du transport des participants”, détaille Fred Comte. “C’est l’enjeu principal de la décarbonation des événements sportifs”, confirme Justine Birot, co-pilote du rapport “Décarbonons les Stades” mené par le Shift Project.
Un levier dont les organisateurs de compétitions tardent à s’emparer. “La plupart du temps, les actions liées au transport sont plutôt timides. La mesure prise par le Marathon du Mont-Blanc est au contraire coercitive, cela fait tomber le tabou du quota”, analyse Mael Besson, fondateur de l’agence Sport 1.5. Reste à voir comment elle sera mise en place dans les faits. “Les modalités sont à affiner, concède Fred Comte. On pense se baser sur un pourcentage du trajet, encore à déterminer, car il n’y a pas des trains partout.” Le nombre de dossards réservés pourra également évoluer durant les prochaines années selon le succès de la mesure.
Réinventer les imaginaires sportifs
Si les organisateurs souhaitent par ailleurs imposer aux coureurs la compensation carbone de leur trajet, ils n’envisagent pas pour l’heure de réduire la part de l’aérien. Aujourd’hui, 6% des coureurs du Marathon du Mont-Blanc prennent l’avion pour se rendre à Chamonix. “Même s’ils sont très peu nombreux, ils sont responsables du gros de l’impact carbone de l’événement”, rappelle Justine Birot. Un constat partagé par Mael Besson : “On ne s’en sortira pas sans réduire la part de l’aérien. Mais cela demande d’accepter de pratiquer de saison et près de chez soi.” Ce discours, encore rare, émerge peu à peu parmi les acteurs du secteur, à commencer par les sportifs de haut niveau.
C’est le cas d’Innes FitzGerald, jeune prodige britannique du demi-fond ou encore Xavier Thévenard, spécialiste de l’ultra-trail français. Tous deux ont fait le choix de tirer une croix sur l’avion, prouvant par l’exemple qu’un basculement des imaginaires sportifs vers un modèle plus durable est possible. Mais le chemin est encore long. A Chamonix, une autre compétition rassemble chaque année les coureurs du monde entier : l’Ultra-trail du Mont-Blanc. En 2023, la course avait été vivement critiquée après avoir noué un partenariat avec le constructeur automobile Dacia. Une polémique qui a poussé la compétition à faire marche arrière cette année.