“Drill, baby drill! ” (“Fore, chéri, fore !”). Le leitmotiv de Donald Trump, élu président des Etats-Unis ce mercredi 6 novembre, donne le ton du programme qu’il entend mettre en œuvre. Le candidat républicain, qui ne cache pas son climatoscepticisme, a promis de retirer une nouvelle fois les Etats-Unis de l’Accord de Paris et de revenir sur les réglementations environnementales prises sous l’ère Biden. Celles-ci seraient selon lui “nuisibles” à l’économie américaine, et notamment à l’industrie pétro-gazière.
Le pays, premier producteur mondial de pétrole et de gaz, est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. Il pèse donc lourd dans la balance à l’heure d’agir contre le changement climatique et, sur ce terrain, il n’y a pas de temps à perdre puisqu’il va falloir massivement réduire nos émissions d’ici 2030. Les prochaines années seront donc cruciales. Or, avec Donald Trump à la tête des Etats-Unis, il est quasi impossible que le pays atteigne ses objectifs climatiques, enterrant l’espoir de rester sous 1,5°C de réchauffement.
+ 4 milliards de tonnes de CO2
“Compte tenu de l’ampleur des émissions américaines et de leur influence sur le monde, cette élection est cruciale pour espérer limiter le réchauffement à 1,5°C, analysait le site Carbon brief en amont des élections. Un second mandat de Trump qui parviendrait à démanteler l’héritage climatique de Biden mettrait probablement fin à tout espoir mondial de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C”. Selon le site spécialisé, les politiques de Donald Trump pourraient entraîner une augmentation de 4 milliards de tonnes d’émissions de CO2 équivalent d’ici 2030, soit les émissions annuelles combinées de l’Union européenne et du Japon, ou les émissions combinées des 140 pays les moins émetteurs du monde.
Lors de son premier mandat, de 2017 à 2021, Donald Trump avait abrogé plus de 160 normes environnementales issues de la présidence de Barack Obama, et il avait fait sortir son pays de l’Accord de Paris sur le climat. Sans surprise, il a promis de faire de même et d’aller encore plus loin en sortant de la Convention cadre des nations unis sur le changement climatique (CCNUCC). Cette position pourrait inciter d’autres pays à faire de même, ou du moins à limiter leur ambition alors que de nouveaux plans climatiques sont attendus l’année prochaine.
Li Shuo, directeur du China Climate Hub à l’Asia Society Policy Institute, avait ainsi estimé qu’une victoire de Trump “enlèverait toute pression que la Chine pourrait ressentir” pour rendre son propre plan d’action climatique ambitieux. Les risques pour la diplomatie climatique seraient d’autant plus élevés que la “capacité de résistance de l’Union européenne”, en train de détricoter son Green Deal, est “bien moindre” qu’en 2017, abonde Gaïa Febvre, du Réseau action climat, citée dans Le Monde.
En outre, Donald Trump a publiquement évoqué le fait de revenir sur l’engagement financier des États-Unis envers le Fonds vert pour le climat. Le Projet 2025 du candidat appelle également à se retirer de la Banque mondiale et du FMI – dont les États-Unis sont le plus grand actionnaire – et à mettre fin aux contributions financières à ces organisations. Le pays contribue également à un cinquième du budget de la CCNUCC.
Démanteler l’IRA
Sur le plan environnemental, Donald Trump a également promis de démanteler la loi sur la réduction de l’inflation (IRA), qui constitue le plus grand ensemble de mesures climatiques nationales de l’histoire des États-Unis en faveur des énergies propres. “Abroger complètement l’IRA serait très difficile pour Trump, étant donné qu’il a été adopté par le Congrès en tant que loi bipartite, nuance toutefois le think tank Strategic Perspectives dans une note. Il faudrait donc une majorité des membres du Congrès pour l’annuler, ce qui est très difficile à obtenir dans le cas d’une majorité démocrate ou républicaine”.
Autres promesses de Donald Trump : annuler le moratoire de Joe Biden sur les nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) ou encore les crédits d’impôts liés à l’achat de véhicules électriques, arrêter net le développement de l’éolien en mer, démanteler l’Agence de protection de l’environnement et l’Agence nationale d’observation océanique et atmosphérique. Selon une analyse récente du groupe de réflexion non partisan Energy Innovation Policy & Technology, l’économie américaine se contracterait de 770 milliards de dollars par an d’ici 2030 en suivant le scénario du Projet 2025, porté par Donald Trump, par rapport au scénario de leadership climatique de l’IRA. D’ici 2050, l’économie américaine devrait croître de 730 milliards de dollars par an dans le cadre de l’IRA et diminuer de 150 milliards de dollars ou plus par an dans le cadre du Projet 2025.
Les reculs environnementaux promis par Donald Trump ne se feront toutefois pas sans résistance, y compris au sein de ses rangs. En effet “environ 80% des investissements sponsorisés par l’IRA ont bénéficié à des régions gouvernées par les républicains, ce qui le rend assez populaire dans les cercles républicains”, notent les spécialistes de Strategic Perspectives. En août dernier, 18 républicains avaient ainsi signé une lettre demandant au président de la Chambre des représentants d’épargner les crédits d’impôt dans le cadre de l’abrogation de l’IRA, beaucoup d’entre eux considérant ces incitations comme bonnes pour la planète et extrêmement bénéfiques pour le développement économique local.
“Serrer les rangs”
De nombreuses poursuites judiciaires sont également à prévoir, ce qui va retarder les processus. La première administration Trump avait ainsi perdu plus de 78% des procès environnementaux déposés contre ses politiques. Ce qui laisse émerger une once d’espoir quant à la capacité de résistance des acteurs non-étatiques. “Ne résumons pas les Etats-Unis à leur Président : c’est un pays fédéral, les territoires et notamment les villes vont continuer d’agir tout comme les associations environnementales à qui nous adressons tout notre soutien“, réagit Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au RAC.
De fait, en 2017, lors de la première élection de Donald Trump, une coalition bipartite de 24 gouverneurs, baptisée l’Alliance climatique américaine, se sont engagés à atteindre la neutralité climatique. Ils représentent environ 60 % de l’économie américaine et 55 % de la population américaine. Depuis 2005, ils ont réduit leurs émissions nettes collectives de gaz à effet de serre de 19%. “Ensemble, quels que soient les obstacles, nous affronterons la crise climatique et construirons un avenir meilleur. Il n’y a pas de retour en arrière possible”, ont ainsi déclaré ses coprésidentes.
Le premier crash-test aura lieu dans les prochains jours avec la tenue de la COP29 sur le climat à Bakou, en Azerbaïdjan, qui doit fixer un nouvel objectif financier mondial. “Le résultat des élections américaines ne doit pas être utilisé comme excuse par les dirigeants mondiaux pour éviter de prendre des mesures contre le changement climatique”, a réagit Mary Robinson, ancienne Première ministre d’Irlande. “C’est un revers pour l’action climatique mondiale, mais l’Accord de Paris s’est avéré résilient et plus fort que les politiques de n’importe quel pays”, a également commenté Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat. “Néanmoins la concurrence commerciale pourrait se durcir encore en conflit commercial entre Chine et Etats-Unis, et les pays les plus pauvres en seront encore plus victimes que l’Europe. Il sera donc d’autant plus important de serrer les rangs, entre pays pour qui la coopération est vitale”, ajoute Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri.