Publié le 11 août 2025

“Nous ne sommes pas prêts à affronter ces risques”. Alors que la France et l’Europe sont ravagées par des incendies monstres intensifiés par la crise climatique, le manque de moyens et le déficit de prévention se font de plus en plus sentir.

Les incendies s’enchaînent partout en Europe. Après Marseille il y a quelques semaines, après la Grèce et la Turquie, après l’Espagne et le Portugal, c’est l’Aude, qui vient de subir l’un des plus importants feux de l’histoire en France. En six jours, ce sont entre 13 000 et 17 000 hectares qui sont partis en fumée dans le département, selon les dernières estimations. Un chiffre quasi record, signe d’une année 2025 déjà extrême en matière de sécheresse et d’incendie en France mais aussi partout en Europe. À la mi-juillet 2025, plus de 230 000 hectares de terres avaient ainsi brûlé dans l’Union européenne, soit 117 % de plus que la moyenne des deux dernières décennies, selon les informations du Système européen d’information sur les incendies de forêt.

Des milliers de pompiers mobilisés, des habitants évacués et des quartiers entiers menacés : l’histoire devient récurrente dans une Europe de plus en plus asséchée par la crise climatique. Les prévisions des différents organismes scientifiques européens vont en effet toutes dans le même sens. Le risque d’incendies ne va faire que se renforcer, avec la hausse des températures et la perturbation des cycles de l’eau. Un rapport du Conseil consultatif scientifique des académies européennes (Easac) publié en mai prévoit ainsi que le risque d’incendies devrait doubler sur le continent d’ici 2100.

Toute l’Europe vulnérable face aux incendies

Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Turquie… les pays du pourtour méditerranéen sont les plus touchés. Mais dans le futur, tous les pays européens devraient être affectés. Selon un rapport coordonné par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, ce sont même les pays d’Europe centrale et les pays baltes qui pourraient connaître les augmentations les plus significatives des surfaces brûlées, à cause du réchauffement climatique. En France, même constat. Selon Météo-France, la quasi-totalité du territoire métropolitain devrait être ainsi menacé par les risques d’incendies d’ici 2100. Même les territoires aujourd’hui encore relativement épargnés par les feux, dans la moitié nord notamment, devraient connaître une hausse significative des risques d’incendies. Quant aux territoires déjà vulnérables, comme la Provence ou les zones méditerranéennes comme l’Aude, le nombre de jours “de dangers très élevés” (les jours secs, chauds et venteux) devraient y être multipliés par deux d’ici la fin du siècle, pour atteindre plus de 80 jours par an.

Or, les différents pays européens semblent encore mal anticiper ce futur. “Nous ne sommes pas prêts à affronter ces risques”, déclarait ainsi en 2023 le Commissaire européen pour l’action climatique Wopke Hoekstra, après deux années quasi record pour les incendies en Europe. A cette occasion, il invitait l’Europe et les Etats-membres à augmenter leurs investissements dans l’adaptation climatique, et à revoir leur stratégies d’adaptation et de prévention. Pourtant, les choses stagnent.

Des moyens de lutte et de prévention des incendies insuffisants

Selon l’Easac, “les politiques de l’UE en matière d’incendies de forêt mettent principalement l’accent sur les interventions d’urgence”. Cet été, les mécanismes de protection civile européen ont par exemple permis de mobiliser quelques 600 pompiers dans des zones à risque à travers l’Europe, et de déployer des moyens aériens pour intervenir rapidement en cas d’incendies. Un contingent bien faible, quand on sait qu’il aura fallu près de 1300 pompiers pour fixer le feu de l’Aude. Une vingtaine de Canadairs ont également été commandés par certains Etats membres, coordonnés par les instances européennes : des appareils qui ne seront probablement pas livrés avant 2028 ou 2029… En attendant, les moyens d’intervention européens sont vieillissants et insuffisants. Mais surtout, en se concentrant sur les moyens de lutte, l’Europe “limite l’ efficacité de ses politiques à s’attaquer aux causes profondes du risque d’incendie”, estime l’Easac.

En matière de prévention, l’Europe n’a en effet toujours pas de “cadre politique ciblé et cohérent”, et le risque d’incendies est toujours géré “de manière indirecte, disjointe, et fragmentaire”, pointe l’Easac. Aucune politique d’évaluation et d’anticipation des risques coordonnée n’a ainsi été mise en place. La Cour des comptes européenne pointait même récemment les lacunes des systèmes d’évaluation des zones à risque dans les pays les plus touchés, comme la Grèce ou le Portugal. En France, la dernière version du Plan national d’adaptation aux changements climatiques (PNACC 3), publiée l’an dernier, a pour la première fois intégré la question du risque incendie. Elle prévoit notamment d’“intégrer l’effet du changement climatique dans la connaissance et la cartographie du risque d’incendies.” Mais le plan est d’ores et déjà critiqué par les spécialistes de la protection environnementale, qui le jugent insuffisant et trop peu financé. Alors que les politiques écologiques sont de plus en plus remises en cause, que ce soit en matière d’urbanisme, d’atténuation climatique, de protection des écosystèmes ou d’adaptation, la question de la prévention des risques d’incendies risque, elle aussi, de passer à la trappe.

Mis à jour par la rédaction le 11 août à 11 heures

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