Publié le 25 mars 2024

La France est le pays d’Europe qui a connu le plus de déplacés climatiques en 2022, en raison des feux historiques qui ont frappé le Sud-Ouest. Mais l’avenir s’annonce tout aussi sombre avec les importantes inondations qui ont frappé le Pas-de-Calais en fin d’année dernière et la sécheresse extrême qui touche actuellement les Pyrénées-Orientales. Face à cela, l’adaptation devient un levier incontournable.

C’est un chiffre qui a de quoi surprendre et qui nous place brutalement face à la réalité du changement climatique. La France a comptabilisé 45 000 déplacés climatiques en 2022, année la plus chaude jamais enregistrée dans le pays, selon un rapport de l’Internal Displacement Monitoring Centre relayé par l’ONG Oxfam. C’est cinq fois plus que l’année précédente. En cause, les feux de forêt à La Teste-de-Buche dans le département de la Gironde, qualifiés “d’incendie du siècle”, qui avaient entraîné l’évacuation et le déplacement de 38 000 personnes. Les 7 000 déplacés restants l’ont été à la suite de feux en Méditerranée et d’inondations.

“La France est particulièrement exposé aux aléas climatiques : érosion des côtes, inondations, sécheresses, incendies. En 2022, le pays arrive au premier rang des pays ayant connu le plus de déplacés climatiques pour la région Europe/Asie, juste devant l’Espagne”, explique auprès de Novethic Quentin Ghuesquière, chargé de campagne et de plaidoyer au pôle climat d’Oxfam France. La notion de “déplacés climatiques” englobe ici toutes les personnes ayant dû quitter leur domicile temporairement ou définitivement en raison d’un événement climatique extrême.

Des zones rendues inhabitables

Mais les données ne prennent en revanche pas en compte les déplacements “lents”, qui ne sont pas liés à un événement extrême violent et rapide lié au changement climatique, mais par exemple à l’élévation du niveau de la mer, à la fonte des glaciers qui fragilise les économies de la montagne, au manque d’eau sur certains territoires ou à la hausse des températures. Au total, on estime que plus de 60% de la population française est exposée de manière forte ou très forte aux risques climatiques. 

Après la tempête Xynthia, qui a frappé la Vendée et la Charente-Maritime en 2010, des centaines de maisons ont ainsi été déconstruites, provoquant l’expropriation forcée de leurs habitants. Plus récemment, dans les Alpes-Maritimes, après le passage de la tempête Alex, un immeuble de 26 logements a lui aussi été déclaré inhabitable à Saint-Martin-Vésubie et des dizaines d’habitations ont été rachetées par les collectivités pour être détruites. Plus au sud, sur la côte, la commune de Mandelieu-la-Napoule a elle aussi racheté des villas situées en “zone rouge” inondable, toutes sinistrées en 2015 puis en 2019.

Dans le Pas-de-Calais, après des inondations historiques qui ont touché le département à quelques mois d’intervalle, de nombreux habitants se posent la question de rester ou fuir, et l’Etat envisage d’y rendre certaines zones régulièrement inhabitables. Mais jusqu’où peut-on continuer comme ça ? “Racheter des logements et reloger les habitants coûte extrêmement cher. Cela pose aussi des questions d’acceptabilité pour ces populations, pointe Quentin Ghesquière. L’urgence doit être de mettre en place de vraies solutions d’adaptation. Or jusqu’ici, le sujet a toujours été sous-dimensionné.”

Sauver les Pyrénées-Orientales

Le nouveau plan d’adaptation national au changement climatique (PNAC 3) doit être présenté d’ici l’été et le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, semble avoir pris le sujet à bras le corps. Son premier crash-test aura lieu dans les Pyrénées-Orientales. Le département connaît une sécheresse extrême après deux années sans pluie et des communes qui sont d’ores et déjà privées d’eau potable. Une première en plein hiver ! “Les prochains migrants, c’est nous, tout simplement, si on nous abandonne“, a lancé la présidente de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, Fabienne Bonnet, lors d’une session de la chambre d’agriculture d’Occitanie, à Toulouse. “Des pays bien plus au sud que nous vivent, produisent et on importe leurs produits. Il faut qu’on débloque les choses”, insiste-t-elle.

“Les prochains migrants, c’est nous, tout simplement, si on nous abandonne”

En déplacement sur place jeudi 21 mars, Christophe Béchu a annoncé un “plan de résilience” pour le département qui sera présenté à la mi-avril et le financement de projets d’aménagement face à la sécheresse, et notamment une étude sur la prolongation d’un aqueduc acheminant l’eau du Rhône vers l’Occitanie. Il en a également profité pour dénoncer “l’anachronisme” d’un projet immobilier comprenant un golf controversé à Villeneuve-de-la-Raho, près de Perpignan. Un premier pas d’un long chemin.

Cet article est le premier épisode d’une série consacrée aux déplacés climatiques. Le prochain article sera consacré au déménagement du village de Miquelon, de l’autre côté de l’Atlantique, victime de l’érosion marine et de la montée du niveau de la mer. 

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