“Quand on a renoncé à installer de nouvelles remontées mécaniques, ça a été très dur, ça a vraiment été un deuil pour certains”, raconte Philippe Alpy, maire de Frasne et président du Syndicat mixte du Mont-d’Or (SMMO), qui gère la station de moyenne montagne de Métabief, dans le Jura. Il vient incarner l’adaptation lors de l’événement “La France s’adapte”, organisé par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, au Muséum d’histoire naturelle mardi 23 janvier qui a rassemblé l’ensemble des acteurs concernés. “Le ski alpin, c’est une usine à cash, c’est irremplaçable. Cela n’a donc pas été facile quand on a annoncé qu’on n’investirait pas dans de nouvelles remontées parce que leur coût ne serait pas amorti en raison du changement climatique”, explique l’élu.
En effet, les données montrent que le ski alpin n’a plus que 20 ans devant lui sur ce territoire. Dès lors, il faut imaginer à quoi pourrait ressembler la suite : VTT de descente, luge quatre saisons, c’est toute une nouvelle économie qu’il faut faire émerger. “Métabief est un exemple d’anticipation, on n’est pas dans le déni. Ce qui se passe à Métabief, ce qu’il va falloir faire ailleurs en France, et pas seulement pour les stations de ski”, avait réagi Christophe Béchu, en visite sur place en février 2023. “On a un tiers à deux tiers des stations de ski françaises qui seront confrontées dans les 30 ans à des difficultés récurrentes d’enneigement, y compris au-delà de la moyenne montagne”, rappelait alors le ministre.
“La boussole, c’est les 4°C”
Depuis un an, Christophe Béchu tente d’imposer le sujet encore méconnu de l’adaptation dans le débat public. Il avait suscité la polémique en estimant que le pays devait se préparer à un réchauffement de +4°C, entraînant une avalanche de critiques. Au sein de l’amphithéâtre Verniquet plein à craquer du Muséum, ce scénario ne fait plus bondir, au contraire. “Ce matin, nous vivons un moment collectif très important pour affronter les questions d’adaptation parce qu’on s’est fixés sur un scénario à +4°C, qui évidemment est bien trop élevé, mais qui va nous permettre de dimensionner l’action publique et de produire des normes”, s’est réjoui le sénateur de Loire-Atlantique, Ronan Dantec, auteur d’un rapport sur le sujet en 2019.
Le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3) devra traduire cette ambition. Il sera publié d’ici l’été après une réunion intergouvernementale fin février et une mise en consultation fin mars. Indemnisations, régime des catastrophes naturelles, érosion du trait de côte, submersion marine, droit du travail lors des vagues de chaleur… au total il devrait comprendre une cinquantaine de mesures. “L’année 2024 sera l’année de l’adaptation au changement climatique. On a désormais une boussole, c’est les 4°C. L’idée est maintenant d’assumer qu’il y a des choses qu’on ne pourra plus faire et d’autres qu’on devra faire différemment”, a résumé le ministre.
Un service d’accompagnement public
Outre les collectivités, les entreprises étaient également présentes pour partager leur vision de l’adaptation et faire remonter leurs revendications. Estelle Brachlianoff, la PDG de Veolia a ainsi appelé à faire évoluer le code des marchés publics pour pouvoir “s’adapter à l’adaptation”. “En France, aujourd’hui encore, 99% des contrats de distribution d’eau sont payés en volume, ce qui crée une injonction contradictoire au moment où, justement, nous devons préserver la ressource en eau. Avec la métropole de Lille, par exemple, nous avons signé un contrat qui nous engage à obtenir 10% de réduction de la consommation d’eau”, témoigne-t-elle.
Pascal Dumerger, le directeur général de la Maif, a quant à lui aborder la délicate question des assurances. “Il y a des zones trop exposées où certains assureurs peu scrupuleux se sont déjà retirés. Si on laisse faire, les autres ne pourront plus supporter la charge des sinistres et devront se retirer à leur tour. Dans quelques années, 10 à 15% des particuliers, ceux qui sont les plus exposés au changement climatique, ne trouveront plus d’assureurs. Il faut bâtir un système coopératif et contraindre chaque assureur à prendre une part des risques inassurables”, plaide-t-il.
Parmi les autres revendications présentées lors des tables-rondes, il y a aussi la création d’un service indépendant pour l’accompagnement aux projets d’adaptation. “Les acteurs privés et publics ne savent pas par quel bout prendre le sujet. Il faut un accompagnement public, un tiers de confiance, pour s’assurer que les investissements faits aujourd’hui sont adaptés aux climats de demain”, explique Benoit Leguet, directeur général d’I4CE. Reste enfin l’épineuse question des financements, qui devront être massifiés. Le think-tank avait estimé à au moins 2,3 milliards d’euros par an le coût de la mise en place d’actions d’adaptation déjà prêtes. “D’autres besoins dont le coût – potentiellement bien plus important – dépendra de choix politiques issus de débats à ouvrir rapidement”, prévient I4CE.