Publié le 21 septembre 2024

Dans une étude inédite, des chercheurs ont calculé l’effort que représenterait le fait de permettre à chacun d’accéder à une vie digne, tout en préservant les limites planétaires. Pour les pays riches, comme la France, cela suppose de réduire drastiquement nos consommations et nos déplacements, tout en transformant nos systèmes énergétiques et alimentaires.

Sortir le monde de la pauvreté et assurer une vie “digne” pour tous, tout en respectant les limites planétaires, c’est possible ! Mais la façon d’y arriver ne va certainement pas plaire à tout le monde, en tout cas pas aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, dont la France fait partie. Une nouvelle étude, qualifiée de “révolutionnaire” par The Guardian, et publiée par la Commission de la Terre dans la revue Lancet Planetary Health, a essayé de définir cet “espace sûr et juste” qui représente la zone où les humains peuvent tous prospérer sans déstabiliser la planète.

Les chercheurs ont ainsi calculé les ressources minimales que chaque être humain devrait consommer pour accéder aux besoins de base – nourriture, eau, énergie, logement, transports – tout en respectant les limites planétaires tels que le changement climatique ; l’érosion de la biodiversité ; le changement d’usage des sols ; l’acidification des océans… Sept de ces limites ont déjà été dépassées mettant en danger l’habitabilité de la planète et la survie de l’humanité.

“Limiter les possibilités pour certains, ouvrir des possibilités pour d’autres”

C’est la première fois que des scientifiques lient les deux sujets, de justice et de sûreté. “Cet article montre que la justice est une condition préalable à la sécurité de la planète et des populations. Les communautés du monde entier, riches et pauvres, sont déjà vulnérables et le seront encore plus – mais nous avons une fenêtre d’action pour agir maintenant et changer de cap”, explique Johan Rockström, coprésident de la Commission de la Terre et directeur de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam.

Pour résumer, la clé consiste dans un meilleur partage des ressources. Ce qui signifie que dans les pays les plus riches, il va falloir réduire drastiquement notre consommation tout en transformant nos modes de production. Le rapport indique ainsi que la consommation moyenne par personne dans le monde a augmenté de manière substantielle depuis 1970 (la consommation énergétique a augmenté d’environ 35 %, et la consommation alimentaire d’environ 25 %). “Les pays et les individus riches consomment de manière disproportionnée car les normes sociales, les médias et la publicité encouragent la consommation en termes de grandes maisons, d’automobiles et de voyages aériens fréquents”, écrivent les auteurs. “Limiter les possibilités pour certains permet d’ouvrir des possibilités pour d’autres“, pointe ainsi le rapport qui rappelle que des millions de personnes “n’ont même pas accès aux besoins de base à l’heure actuelle”. 

Les scientifiques ont établi des normes de consommations définies par personne pour les besoins de base hors éducation et soins de santé. Voici ce que ça donne : 2 500 calories par jour, 100 litres d’eau par jour, 255 kilowattheures par an (ce qui suppose une disponibilité de l’électricité pendant un minimum de 16 heures par jour, dont 4 h par soir, incluant l’utilisation d’appareils à forte puissance comme les machines à laver), une surface habitable de 15 m² par personne et 4 500 kilomètres parcourus par an. A titre de comparaison, un Français consomme en moyenne 3 500 calories et 150 litres d’eau par jour, 2 550 kilowattheures par an, vit dans 39 m² et parcourt 20 800 kilomètres par an. Cela donne à voir l’ampleur des changements nécessaires.

“Ces transformations ne seront pas faciles

Les scientifiques identifient en parallèle quatre transformations systémiques pour permettre de vivre dans ce corridor sûr et juste : les transformations de la consommation, des systèmes économiques, des technologies et de la gouvernance. “Ces traductions et transformations ne seront pas faciles“, reconnaissent-ils. Le pire est que même si tout le monde adoptait ces nouvelles normes de consommation, le seuil pour garder une planète sûre et juste serait dépassé d’ici 2050, si ces transformations sociétales et technologiques radicales ne sont pas mises en place, comme par exemple dans nos systèmes énergétiques et alimentaires pour aller vers une énergie décarbonée et un régime moins riche en produits d’origine animale.

Il est donc encore possible pour tous les humains d’échapper à la pauvreté et d’être à l’abri des dommages causés par les changements du système terrestre, mais la fenêtre se rétrécit. “Le plafond est si bas et le sol si haut qu’on ne peut même pas ramper dans ce corridor”, a ironisé Johan Rockström. Pour rendre ce changement souhaitable, les auteurs notent toutefois que “la consommation par habitant est souvent plus faible dans les systèmes qui donnent la priorité aux services publics, à l’égalité des revenus, à la démocratie et à la santé publique”. Ce qu’on retient en tout cas c’est que toujours plus de consommation est loin d’être synonyme de toujours plus de bien-être.

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