Publié le 31 juillet 2024

L’Azerbaïdjan, pays-hôte de la COP29 sur le climat, qui se tiendra en novembre, vient de lancer un nouveau fonds pour le climat. Mais celui-ci peine à convaincre alors que le pays, largement dépendant des fossiles, est sous le feu des critiques.

1 milliard de dollars. C’est la somme que l’Azerbaïdjan espère réunir dans un nouveau fonds d’action pour le financement du climat (Climate Finance Action Fund, CFAF) que le pays hôte de la COP29 sur le climat vient de lancer. Fondé sur le principe du pollueur-payeur, il est censé être abondé, de façon volontaire, par les pays, mais aussi par les compagnies extractrices de pétrole, de gaz et de charbon. Basé à Bakou, ce fonds ne démarrera qu’une fois la cible financière atteinte et dix pays contributeurs annuels réunis, a fait savoir le pays lors d’une conférence de presse, mi-juillet.

“Les méthodes de financement traditionnelles se sont révélées inadéquates face aux défis de la crise climatique, c’est pourquoi nous avons décidé d’adopter une approche différente”, a ainsi expliqué Yalchin Rafiyev, négociateur en chef pour la présidence de la COP29. “Tout pays en développement pourra bénéficier de l’aide du fonds”, a-t-il précisé. Celui-ci devra permettre de financer des projets d’énergies renouvelables, d’industrie verte, de soutenir et décarboner l’agriculture, ainsi que de répondre aux catastrophes climatiques, via des prêts concessionnels ou des subventions, selon la présidence de la COP29.

“C’est une perte de temps et du greenwashing”

C’est une “tentative intéressante pour transcrire le principe de pollueur-payeur”, a réagi Li Shuo, spécialiste des négociations climatiques à l’Asia Society Policy Institute, cité par l’AFP. Mettre l’accent sur la responsabilité des pollueurs que sont les producteurs d’énergies fossiles est “au cœur de la justice climatique”, mais “multiplier les portefeuilles ne vous rend pas plus riches”, tempère auprès de l’AFP Joe Thwaites, expert de l’ONG Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC). “Nous exigeons des comptes par le biais de prélèvements fiscaux, et non d’une charité symbolique, dans cette urgence climatique. Les responsables de la crise climatique doivent payer pour ce qu’ils ont créé”, réplique Andreas Sieber, directeur associé des politiques et des campagnes au sein de 350.org.

Les experts et observateurs spécialistes du sujet craignent en outre que cela ne serve la cause de l’industrie fossile, qui se retrouverait pointée comme une “championne du climat” alors qu’elle continue à être la principale responsable du changement climatique. “Cela ne peut pas servir d’excuse pour que les pays continuent à développer les énergies fossiles”, alerte ainsi Manuel Vidal Pulgar, responsable mondial du climat et de l’énergie au sein du WWF et président de la COP20, dans une tribune. “C’est une perte de temps (et du) greenwashing”, dénonce sans détour l’ONG Oil Change international.

Une crainte d’autant plus justifiée que la présidence de la COP29 ne montre pas de gages sur une sortie progressive des énergies fossiles, pourtant adoptée à la COP28, le pays étant largement dépendant des hydrocarbures et étant un important exportateur de gaz notamment pour l’Europe. “Le plan de la présidence de la COP29 pour le sommet sur le climat de novembre prochain manque d’ambition pour éliminer progressivement les combustibles fossiles et ne soutient pas du tout une transition juste pour les pays en développement”, pointe Harjeet Singh, directeur de l’engagement mondial pour l’Initiative du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles.

Une COP sous haute tension

L’Azerbaïdjan est pointé du doigt ces derniers jours pour ses émissions liées au torchage du gaz, un processus qui consiste à brûler le gaz fossile produit lors de l’extraction du pétrole. Selon des données satellitaires révélées par Global Witness, celles-ci auraient augmenté de près de 11% depuis 2018. L’Azerbaïdjan, BP et la compagnie pétrolière nationale SOCAR se sont pourtant engagés à plusieurs reprises à éliminer le torchage du gaz de leur production de pétrole et de gaz d’ici 2030. “Cela est passé largement inaperçu, car l’Azerbaïdjan, qui est chargé cette année de mener la diplomatie climatique mondiale, n’a pas pris la peine de rendre compte de ses émissions depuis six ans. Comment est-il censé obtenir des engagements de la part d’autres pays alors qu’il ne peut même pas faire le strict minimum ?”, s’interroge Patrick Galey, enquêteur principal sur les combustibles fossiles chez Global Witness.

A cette polémique s’ajoute celle liée à un autre fonds, Alterra, lancé en grande pompe par la présidence émiratie de la COP28 en 2023. Présenté comme le “plus grand” véhicule d’investissement privé pour le climat au monde, il aurait servi à financer un gazoduc américain par le biais de sous-fonds secondaires gérés par Blackrock, selon des informations mises au jour par Climate Home News. “Les pays devraient plutôt s’assurer que la COP29 fournisse ce qui est nécessaire : un nouvel objectif de financement climatique (NCQG) de grande envergure, accessible et basé sur des subventions, et des plans climatiques nationaux (NDC) qui mettent fin à l’expansion des combustibles fossiles et éliminent progressivement leur production“, a fustigé Laurie van der Burg, responsable des finances publiques mondiales d’Oil Change International.

Mais sur ces sujets, les négociations patinent et la défiance entre les différents blocs est à son apogée. Lors de l’intersession de Bonn, en juin dernier, les pays riches ont refusé d’avancer un chiffre, orientant les discussions sur les pays qui devraient contribuer, creusant un peu plus le fossé avec les pays en développement. Dans une déclaration commune récente, le groupe Basic composé du Brésil, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de la Chine accuse les pays riches de laisser un “vide de leadership”. Ils estiment que les pays développés cherchent à “diluer” leurs obligations financières en matière de climat et que les appels à élargir la base des contributeurs constituent une distraction par rapport aux “questions fondamentales”. La COP29 s’annonce donc extrêmement tendue.

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