Publié le 14 août 2025

Et si le Code du travail prévoyait une température maximale de travail ? Face à un monde de plus en plus affecté par les canicules, plusieurs pays dans le monde ont mis en place de telles mesures, recommandées par l’Organisation internationale du travail. En France aussi, l’idée fait son chemin.

Près de 43 degrés en Ardèche, un record de 41,6 degrés à Bordeaux, 41,7 degrés à Carcassonne… Alors que le nouvel épisode de canicule que traverse la France en ce début août fait à nouveau tomber les records de température, il relance aussi la question de la sécurité des citoyens, et notamment des travailleurs, dans un monde qui se réchauffe. Selon l’Organisation Internationale du travail, 71 % des travailleurs à travers le monde sont désormais exposés aux risques liés à la chaleur et aux canicules : épuisement, risques cardio-vasculaires, déshydratation… Dans le monde, c’est l’Europe, qui se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale, qui a connu l’augmentation la plus rapide des décès liés à la chaleur ces dernières années. Le nombre de décès liés à la chaleur extrême a augmenté de 42 % sur le continent depuis 2000. En France, en 2023, 11 personnes sont décédées à cause de la chaleur, 7 en 2024…

Face à ces drames qui se multiplient, plusieurs personnalités, notamment à gauche et au sein des forces syndicales, réclament désormais d’adapter les règlementations de travail à la nouvelle réalité climatique qui se dessine. Récemment, le député La France Insoumise Hadrien Clouet a ainsi rédigé une proposition de loi visant à instaurer en France de nouvelles obligations de protection des travailleurs lorsque la température dépasse 33 degrés.

Canicule : vers une température maximale au travail

Pour le député, ce seuil est celui qui est “communément retenu par les organisations scientifiques pour dire que la santé humaine est en jeu en quelques minutes”. A partir de ce seuil, les employeurs dans l’ensemble des secteurs devraient prendre des mesures spécifiques : adaptation du travail, temps de pauses augmentés, voire cessation des activités. La mesure viserait à combler une lacune du Code du travail français, qui ne définit aujourd’hui aucun seuil de température de sécurité au travail. Poussée par les syndicats depuis de nombreuses années, une réforme entrée en vigueur en juillet dernier oblige désormais les employeurs à adopter des mesures de protection en cas de canicule. Il s’agit d’informer les salariés, de fournir de l’eau, d’adapter les équipements de travail, voire les horaires… Dans le secteur du bâtiment, les employeurs doivent également faire cesser les chantiers en cas d’alerte canicule, les ouvriers bénéficiant alors du chômage partiel.

Mais la mesure a ses limites, puisqu’elle ne s’applique qu’en cas d’alerte canicule, donc seulement pour les vagues de chaleur de plusieurs jours, et selon des critères de température qui varient sur le territoire. L’Organisation internationale du travail est pourtant claire : “les gouvernements devraient adopter des réglementations fixant les températures maximales auxquelles les travailleurs peuvent être exposés au travail et prévoir des mesures spécifiques pour protéger les travailleurs contre les températures élevées” écrit-elle dans ses recommandations publiées en avril 2024.

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Adapter le travail à un monde qui se réchauffe

De nombreux pays dans le monde ont d’ailleurs déjà adopté des règles fixant des seuils de température de sécurité au travail. En Allemagne, par exemple, les employeurs sont tenus de prendre des mesures de protection dès 26 degrés, et doivent en principe évaluer les risques et adapter le travail des salariés à partir de 30 degrés. A 35 degrés, des mesures de rafraîchissement doivent être prises, le cadre normatif allemand tendant à considérer que le travail doit être évité à partir de ce seuil. En Hongrie, en Slovénie ou en Lettonie, la loi prescrit un certain nombre de mesures de prévention et d’adaptation à partir de différents seuils autour de 28 à 31 degrés.

La Confédération européenne des syndicats, quant à elle, réclame depuis plusieurs années que des mesures soient prises pour renforcer la prévention face aux risques liés à la chaleur dans les entreprises. Elle préconise non seulement de mettre en place des seuils de température de sécurité au travail, mais aussi de renforcer les obligations de coopération entre employeurs et représentants des salariés pour l’information, l’évaluation des risques, et l’adaptation des modes de travail. Ensemble, ces mesures permettraient, selon l’Organisation internationale du travail, d’économiser près de 310 milliards d’euros à l’échelle mondiale, en évitant les pertes de productivité, les accidents du travail et les problèmes de santé liés à la chaleur

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