C’était l’une des avancées les plus concrètes attendues de la troisième Conférence internationale sur les océans (Unoc3). Le Traité sur la haute mer, dit Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ), devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2026, deux ans seulement après son adoption. Un délai record. A Nice, le nombre de 50 États à avoir déposé leurs instruments de ratification a été atteint, 17 autres suivront d’ici l’Assemblée générale des Nations-Unies en septembre.
“C’est une belle surprise, car nous n’étions qu’à 29 ratifications avant le sommet, se réjouit André Abreu, directeur des politiques internationales au sein de la fondation Tara Océan. L’entrée en vigueur du traité, qui couvre 71% de l’océan, permettra la tenue de la COP1 Océan en 2026, et avec la mise en place d’un secrétariat, d’un conseil scientifique, un fonds spécifique…“, ajoute-t-il saluant le travail de la diplomatie française qui en avait fait un de ses principaux objectifs.
Une centaine d’entreprises s’opposent à l’exploitation des fonds marins
Autre sujet majeur, l’exploitation minière des fonds marins. La coalition de pays qui demande un moratoire est passée de 32 à 37 pays. Un signal faible alors que les Etats-Unis viennent de donner leur feu vert à un projet d’exploitation. 23 Etats ont publié une tribune conjointe afin de mobiliser la communauté internationale en ce sens.
De grandes banques ont rejoint ce mouvement en annonçant ne plus envisager le financement de projets d’extraction minière à l’instar du Crédit agricole ou encore de la Caisse des dépôts (dont Novethic est une filiale). Rassemblées par le WWF, une centaine d’entreprises s’opposent aussi à l’utilisation des minerais issus des fonds marins. Parmi elles, de grands constructeurs automobiles comme Renault, BMW ou Volvo, ainsi que des géants de la Tech, dont Apple, Google et Samsung.
Parmi les coalitions de pays ambitieux, on peut également citer le “Nice wake up call for an ambitious plastics treaty” qui réunit 96 pays appelant à inclure des mesures contraignantes sur la réduction de la production dans le cadre du traité mondial sur le plastique, dont les discussions doivent reprendre début août à Genève.
Des aires marines protégées au cœur de la polémique
Sur l’épineuse question des aires marines protégées (AMP), là aussi, plusieurs annonces ont été faites à Nice. 14 États se sont engagés à étendre leurs réseaux d’aires marines protégées, ce qui devrait porter à 10% la part d’aires marines protégées au niveau mondial à l’issue du sommet, contre 8,4% auparavant.
Attendue sur l’interdiction du chalutage de fond dans ses AMP, la France n’a pas réussi à convaincre sur les mesures qu’elle a annoncées, provoquant une vive polémique. Bloom n’a pas hésité à critiquer “l’imposture” et “l’hypocrisie” du gouvernement, qui accuse à son tour l’ONG de “mensonge“. A l’horizon 2026, la France s’est engagée à couvrir 78% de sa zone économique exclusive par des aires marines protégées, dont 14,8% en protection forte et non pas stricte. Ainsi, les nouvelles zones de protection forte qui seront reconnues d’ici à la fin de 2026 et celles déjà interdites au chalutage de fond se recoupent en partie.
“Nous sommes très déçus, très déçus, par la position de la France sur les aires marines protégées au niveau national. On ne comprend toujours pas comment l’Etat entend protéger les écosystèmes marins, ce qui met en danger toute l’économie de la pêche. Le chemin est long et va être compliqué”, regrette Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan qui salue toutefois le “dynamisme” de cette COP. “La communauté internationale part reboostée et enthousiaste“, ajoute-t-il.
Les énergies fossiles, l’angle mort
Enfin, la Déclaration de Nice, document politique non contraignant, adoptée vendredi 13 juin en conclusion du sommet évite d’aborder les sujets qui fâchent, à savoir les énergies fossiles, pourtant à l’origine du changement climatique, de la destruction et de la pollution marine. “L’exploration et l’exploitation pétrolières et gazières offshore ont été le sujet tabou de la troisième Conférence des Nations Unies sur la coopération en matière de développement (CNUC-3), constate Carlos Bravo, expert en politique océanique chez Ocean Care. Aucun pays n’a osé évoquer la nécessité d’adopter, à tout le moins, une interdiction de la recherche de nouveaux gisements d’hydrocarbures en mer.”
Globalement, le bilan semble donc mitigé. “Nous avons entendu beaucoup de belles paroles ici à Nice, mais elles doivent maintenant se traduire par des actions concrètes. Les pays doivent faire preuve de courage, défendre la coopération internationale et écrire l’histoire en interdisant l’exploitation minière des grands fonds marins cette année“, conclut François Chartier, chargé de campagne océans chez Greenpeace France.
Et après une semaine passée au chevet de l’océan, retour sur la terre ferme et à la réalité. Jeudi 12 juin, à la veille de la clôture de l’Unoc, c’est un hémicycle quasi-vide qui accueillait l’examen de la proposition de loi pour protéger les écosystèmes marins. “Loin des projecteurs de Nice, où le président se vante d’accueillir le monde entier pour un sommet des océans dont il ne ressort quasiment rien pour le moment, ses sénateurs ont déserté l’examen de la proposition de loi de Mathilde Ollivier pour protéger les écosystèmes marins.”, dénonce Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes sur Linkedin.