Publié le 4 août 2025

Les négociations autour d’un traité mondial contre la pollution plastique reprennent à Genève, en Suisse, du 5 au 14 août prochain. Mais le doute plane sur l’issue de ces discussions, tant le fossé se creuse entre Etats ambitieux et pays producteurs de pétrole, rendant l’adoption par consensus de moins en moins plausible.

Durant les neuf prochains jours, Genève sera le théâtre de négociations cruciales pour l’environnement et le climat. A partir du mardi 5 août, la métropole suisse accueille les ultimes discussions devant mener à l’adoption d’un traité mondial de lutte contre la pollution plastique. Intitulée “INC-5.2”, cette session prend la suite des négociations de Busan (INC-5) qui s’étaient achevées en décembre 2024 sur un échec, les 175 Etats présents n’ayant pas réussi à s’accorder sur un texte commun dans les délais impartis par l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement.

En lieu et place, le Président du Comité intergouvernemental, Luis Vayas Valdivieso, avait publié un “non paper” qui, bien que comportant quelques avancées, contenait de multiples crochets, c’est-à-dire d’options encore soumises à modification. En cause, d’importants désaccords entre deux grands groupes de pays. D’une part, la Coalition de la haute ambition, dont la France fait partie, appelle à une réduction de la production de polymères, tandis que d’autre part, les pays pétroliers, aussi appelés “like-minded”, s’efforcent d’obtenir un traité ne s’attaquant qu’à la gestion des déchets.

Forte pression des lobbies

Résultat, “on est aujourd’hui sur un texte qui sauve les meubles sur certains aspects, comme la réduction de la production, mais on a perdu en termes d’ambition au fil du temps”, regrette Muriel Papin, déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea. Cette dernière session de négociations devrait donc être décisive. En témoigne la présence annoncée de nombreuses délégations ministérielles, qui avaient fait en grande majorité l’impasse sur les discussions de Busan. Une présence politique plus que nécessaire, alors que l’opposition des Etats like-minded reste forte, notamment grâce au soutien des lobbies industriels.

Emballages, pétrole ou encore tabac… Selon une enquête du Guardian, plus de trente organisations de lobbying des industries chimique et plastique auraient rejoint la table des discussions depuis 2023, afin de limiter la portée du traité. Une position renforcée par les Etats-Unis, dont la nouvelle administration se range aux côtés des pays producteurs de combustibles fossiles. “Lors de l’inter-session de Nairobi, début juillet, les pays like-minded se sont à nouveau coordonnés pour remettre sur la table tous les sujets, empêchant les négociateurs de se consacrer aux articles vraiment difficiles”, note une source diplomatique française.

“Arriver à un consensus parait difficile”

Une stratégie d’obstruction systématique qui inquiète les partisans d’un accord ambitieux, alors que la possibilité d’un consensus de l’ensemble des Etats semble de moins en moins plausible. Pour dépasser ces blocages, “les pays doivent pouvoir prendre des décisions sur des questions importantes à la majorité des voix lorsque le consensus ne peut être atteint, afin d’éviter qu’une poignée de pays peu ambitieux n’affaiblissent le traité”, affirment dans un communiqué commun une coalition d’ONG de défense de l’environnement et des droits humains. De nombreux observateurs soulignent en effet la possibilité de faire basculer la procédure d’adoption du traité vers un vote à la majorité des deux tiers.

L’enjeu sera alors de faire évoluer la majorité de pays ambitieux qui pourra voter et signer le traité, le rendant tout à fait viable”, détaille Muriel Papin. Selon une source diplomatique, le Pérou porterait également la possibilité d’envisager un traité des consommateurs de plastique, forçant par ce biais les producteurs à s’adapter. Enfin, si les discussions venaient à échouer une nouvelle fois, “l’engagement de négociations en dehors du Programme des Nations unies pour l’environnement pourrait constituer une autre voie possible pour parvenir à un traité efficace sur les plastiques”, note le réseau international Gaia.

“On progresse dans le bon sens”

La signature du “Nice wake-up call” lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan le 10 juin dernier laisse néanmoins entrevoir une forte remobilisation des Etats dès cette semaine. A l’initiative de la France, 96 pays se sont engagés en faveur de l’adoption d’un objectif mondial de réduction de la production de polymères et d’une obligation contraignante visant à éliminer les produits plastiques problématiques. “Il ne faut pas s’arrêter à ce chiffre, certains pays n’ont pas signé pour des raisons variées. Au total, il y en a une bonne centaine”, précise Henri Bourgeois-Costa, responsable des affaires publiques de la fondation Tara Océan.

Soit autant que le nombre d’Etats ayant apporté leur soutien au “non paper” qui servira de base aux négociations de Genève. “A chaque cran que l’on passe on sent une évolution positive, on progresse dans le bon sens”, insiste-t-il. En parallèle, plus de soixante scientifiques ont lancé un appel aux gouvernements afin qu’ils s’accordent sur un texte “fondé sur la science et la justice”. “Nous avons vu les preuves s’accumuler pendant des décennies, rappelle Steve Fletcher, directeur du Revolution Plastics Institute et signataire de la lettre ouverte. Ce traité permettra de déterminer si le monde est prêt à réglementer les plastiques d’une manière qui reflète l’ampleur et l’urgence de la crise”.

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