Publié le 28 avril 2024

Des pirates écolo, des pêcheurs en pirogue sans poisson, des chalutiers qui vident les océans et raclent les fonds marins… Dans cette bande-dessinée préfacée par Camille Etienne et Baptiste Morizot, l’exploitation des océans et la précarisation des millions d’individus dépendant de la pêche sont passées au crible. Un docufiction percutant et pédagogique à lire.

Il y a des bandes dessinées qui nous saisissent. Pillages est de cette catégorie. Dans ce docufiction, Maxime de Lisle, ancien commandant en second sur les navires de Sea Sheaperd, et le dessinateur Renan Coquin nous plongent dans les océans. Dans ces océans que l’on vide à coups de chaluts qui raclent les fonds marins piégeant des centaines de tonnes de poissons. Les chalutiers veulent du thon ? Ils remontent dans leurs filets gigantesques des requins, des tortues et même… des baleines.

“Tu sais ce qu’ils devraient inscrire sur leur boite de thon ? “Attention, peut contenir des traces de baleine””, ironise Daria, capitaine de l’ONG Ocean Defender. C’est son parcours que l’on suit, ainsi que celui de Marius, jeune pêcheur confronté à la surpêche des côtes du Bénin, dans le Golfe de Guinée. Impacté par ces énormes chalutiers qui raflent tout sur leur passage, Marius est contraint de vendre sa pirogue et de travailler chez celui qui est responsable de son malheur : un chalutier. Il y découvre l’esclavage moderne qui s’étend dans le secteur.

Une BD pédagogique

130 000 pêcheurs esclaves dans le monde, 100 000 morts par an… “Les pêcheurs, souvent migrants, se retrouvent dans l’incapacité de fuir leur navire en raison de menaces de violence à leur encontre ou envers leur famille, de l’enfermement physique loin des côtes, de la retenue des salaires et des dettes contractées au cours du recrutement”, expliquent les auteurs. Et c’est là l’atout de cette BD : entre deux planches, Maxime de Lisle et Renan Coquin ont glissé des infographies thématiques avec des explications.

On retrouve ainsi des chiffres sur le fait que 20% de la production halieutique mondiale est capturée essentiellement en Afrique de l’Ouest pour finir en farine animale dans le saumon européen, des cartes sur les attaques de pirates, sur le fléau de la pêche illégale (1 poisson sur 5 est pêché illégalement dans le monde) ou encore des graphiques sur la surpêche : seules 7 % des populations de poissons ne sont pas surpêchés dans le monde.*

Une histoire “sans héros faciles ni morale toute faite”

Cette BD, toute en subtilité, décortique les mécanismes à l’œuvre, sans créer un “grand méchant”. Une histoire “sans héros faciles ni morale toute faite, pétrie d’ambivalences et de points de vue irréductibles”, témoigne dans la préface le philosophe Baptiste Morizot. “En faisant honneur au trouble : chacun, jusqu’au capitaine du chalutier chinois illégal, est aussi pris dans les filets d’une dispositif économiques devenue fou”, ajoute-t-il.

Une histoire qui résonne particulièrement aujourd’hui alors que la Grèce vient d’interdire le chalutage de fond dans ses aires marines protégées et que le Royaume-Uni l’interdit dans une partie de ses eaux territoriales pour protéger les habitats vulnérables. Une décision contre laquelle le gouvernement français s’est opposé. “La France a la deuxième plus grande surface maritime mondiale et pourtant son nom apparaît à peine dans nos textes de loi”, dénonce à la fin de ce docufiction l’activiste Camille Etienne. Est-ce à dire que tout est perdu ?

“Tu sais, je ne mène pas ce combat parce que je pense que je vais le gagner, mais parce que je pense qu’il est juste”, témoigne un des membres de l’ONG dans la BD. “C’est pour elles (les espèces NDR) que nous nous battons, et c’est aussi finalement pour les humains. Car on ne peut considérer l’un sans l’autre. Au fond nous sommes la nature qui se défend.”

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